top of page
  • Photo du rédacteurUrbex Massart

Moulbaix, la marquise assassinée... Guy Massart 2020.



Moulbaix, ce petit village de l’entité de Ath, est connu aujourd’hui dans le monde entier !

Son magnifique château, de style « anglais », qui est resté à l’abandon pendant des années a traversé les frontières tant il a été photographié. Moulbaix est devenu célèbre grâce aux photographes « urbex » qui l’ont baptisé « château de la forêt ».








Mais au mois de juillet 1888, Moulbaix a connu aussi son heure de gloire, si on peut dire ! …

Les paysans étaient aux travaux des champs pour la fenaison et le village profitait enfin des premières chaleurs estivales.

C’est un domestique qui vit sortir de la fumée de la toiture. Monsieur le Marquis du Chasteler s’empressa de monter au grenier pour constater le fait ! A peine la porte ouverte, les premières flammes l’empêchèrent d ‘y pénétrer et le brûlèrent légèrement. Il prévint sa mère et sa sœur de la catastrophe ! Les châtelains se partagèrent les rôles pour organiser le sauvetage.

En très peu de temps, aidés par les domestiques, les bijoux, les tableaux, l’argenterie et les gobelins furent sauvés.

Certains meubles et œuvres d’art purent également être mis à l’abri ; le tout estimé à l’époque pour une valeur de 500.000 francs. Les multiples tours se transformèrent en véritables cheminées.

Un témoin de l’époque rapporte : « ce fût un véritable feu d’artifice ; des milliers d’étincelles crépitaient dans les airs et les plombières, à la suite de la fonte du zinc. Il reflétait sur le bâtiment principal une couleur bleue verdâtre comme si l’éclairage se faisait à l’aide de feu de bengale ».

Le Marquis avait envoyé chercher les pompiers d’Ath et une pompe au château d’Houtaing.

Mais en vain ! Que pouvait-on faire devant un sinistre de pareille envergure ! Le Marquis eu assez de sang-froid pour jeter par une fenêtre plus de 3000 cartouches. Le château resta debout, bien que les murailles soient endommagées.



Un autre témoin dira : « le château paraissait encore plus majestueux dans ses ruines opulentes » …





La Marquise, couverte de boue et trempée jusqu’aux os, après avoir sauvé les papiers de famille se retira au presbytère de la paroisse vers 21 heures.

La cause de l’incendie ? La foudre ! La revue scientifique « LA LUMIERE ELECTRIQUE » de l’époque, relate l’incendie de Moulbaix.

1888 fût une année propice aux accidents par fulguration ; Moulbaix n’y échappa pas …

Pourtant, l’année fût froide et peu ensoleillée. L’été fût pluvieux. Les premières chaleurs arrivèrent début juin avec 32°. Vers le 20 juin, on signala de nombreux orages sur la Marne.

La Belgique ne sera pas épargnée ! Le 23 juin, vers 14 h, le château flamba ! Il sera restauré par son architecte Désiré Limbourg, bien triste de voir son œuvre réduite en cendre ; il l’avait construit vers 1860 à la demande du marquis Oswald du Chasteler.








(Les ruines du château incendié)




Oswald du Chasteler épousa le 18 septembre 1856 Louise, Caroline, Joseph, Florence, Marie-Ghislaine de Marnix à Bruxelles. Il décède en 1865 ; il fût bourgmestre de Moulbaix.

De leur union naîtrons trois enfants :

Marie, Henriette, Ghislaine 1857 - ;

Marie, Caroline, Alphonsine, Ghislaine 1859 - ;

Charles, Gabriel, Marie, Ghislain 1861-1908.


Le soir de l’incendie la Marquise rejoindra donc le presbytère avec son fils Charles.

Ils y vivront avec des domestiques pendant une année, jusqu’au 5 juin 1889, jour où tout basculera ….

Moulbaix deviendra le théâtre d’une mauvaise pièce, d’un mauvais scénario ….

Scénario que reprendra (presque à l'dentique) bien des années plus tard Georges Simenon dans son livre « L’affaire Saint-Fiacre (1932) ». Mis à l’écran en 1959, Jean Gabin y sera un commissaire Maigret de bonne facture.

On peut se demander si Simenon n’a pas eu vent de « L’affaire de Moulbaix » qui tint en haleine durant un an les lecteurs des journaux de l’époque.

Simenon situera son roman dans l’Allier, dans le village de Moulins ! Moulbaix, Moulins, plus que bizarre !

Un château, une noble, un fils peu scrupuleux, un curé, un médecin, un garde de chasse …… tous les « ingrédients » d’un bon roman policier qui commencera à Moulbaix, le 5 juin 1889 !








Le 6 juin 1889, vers 5 heures du matin, l’échevin Dugniolle de la commune de Moulbaix informe la gendarmerie de Ath de l’assassinat de la Marquise du Chasteler (née Comtesse de Marnix).

Ce drame s’est déroulé la veille vers 23 h15.

C’est le Maréchal des logis Dambroise, commandant la brigade d’Ath, qui est informé de l’événement tragique. Il sera accompagné de trois autres gendarmes : Rochette Jules, Barbaix Arthur et Baguet Hubert. Arrivés sur les lieux, ils découvriront le corps sans vie de la Marquise au rez-de-chaussée du presbytère. Elle occupait cette demeure depuis l’incendie de son château.

Les gendarmes trouveront le corps de la malheureuse allongé sur le lit de la chambre ; elle avait reçu une décharge de chevrotine au niveau du cou et de l’épaule. Une douzaine de chevrotines avaient atteint la Marquise. D’autres plombs seront retrouvés dans le châssis (ouvert le soir du drame) et dans les livres de la bibliothèque. Sur la table, le début d’une lettre qu’elle commençait à écrire.

D’après les premières constatations de la maréchaussée, le coup de fusil avait été donné par la fenêtre ouverte ce soir-là. Ils retrouveront également l’arme du crime dans un massif du jardin !

Le fusil retrouvé n’était chargé que d’un seul côté ; le tube de cartouche était de la marque « Machillon de Bruxelles ».

Le premier témoin à être interrogé fut le Marquis Charles du Chasteler fils de la défunte.

« Le 5 vers 11h15 du soir ma mère dans un fauteuil écrivait une lettre à côté de moi ; je lisais le journal. Un formidable coup de feu retentit. Je vis alors ma mère baigner dans le sang sortant de sa bouche ! J’ai appelé au secours notre médecin qui se trouvait dans une chambre à l’étage ; celui-ci était accompagné de la femme de chambre et de monsieur le Curé. Les soins prodigués furent vains.

Vers 3 heures du matin, nous avons retrouvé un fusil dans une pivoine du jardin. J’ai reconnu tout de suite l ‘arme et le tube de cartouche pour les avoir donnés il y a quelques années à mon garde- chasse MONNIER OSCAR. Et la dernière fois que j’ai vu cette arme, c’était dans la remise servant aux gardes la nuit il y a 15 jours. Je considère mon garde comme un honnête homme et n’ai aucun soupçon sur lui (pro-justitia 128 du 6 juin 1889) ».



(Croquis réalisé par l’ingénieur architecte Delplace de Mons le 30 juillet 1889)







Le second témoin : le Docteur Sierro Pierre, médecin de la marquise (36 ans)

« J’étais au lit, lorsque j’entendis une forte détonation d’une arme à feu et peu de temps après j’ai entendu des cris au secours de Monsieur le Marquis. Je suis descendu. J’ai vu la Marquise étendue dans son fauteuil saignant par la bouche et ne donnant plus aucun signe de vie. Je lui ai donné mes soins, mais elle était bien morte. Je ne connais rien d’autre de cette affaire (pro-justitia 128) ».


Troisième témoin : Vandenberghe Adelin, curé de la paroisse de Moulbaix (41 ans)

« Je fais la même déclaration que le docteur ; excepté que quand je suis arrivé le docteur donnait déjà ses soins à la victime (pro-justitia 128) ».



Quatrième témoin : Scheumulester Barbe, femme de chambre

« Je n’étais pas encore au lit et je suis arrivée la première dans la chambre du crime (pro-justitia 128) ».







Dernier témoin : Monnier Oscar, garde- chasse de Mme la Marquise (30 ans)

« J’ai appris aujourd’hui (6 juin) vers 6 heures du matin que la Marquise avait été tuée la veille d’un coup de de feu. La veille je suis rentré chez moi vers 20 heures et suis allé me coucher vers 21 h. J’ai trois fusils, deux de calibre 16 et un de calibre 12. Les deux premiers, je les ai eus à Monsieur le Marquis. Un de ces deux fusils est presque toujours dans la baraque dans le parc du château et les autres chez moi. Celui dans la baraque y était encore hier à 17h30 du soir, car j’y suis allé avec un certain Vinval Léon cordonnier à Ligne. J’ai pris ce fusil en main et j’ai vu qu’il commençait à moisir et à rouiller. Il n’y a qu’une clef à la porte de cette baraque et moi seul, en suis le détenteur. Je crois avoir fermé la porte hier en partant. Un nommé Chamoine qui m’assiste quelques fois comme garde sait qu’il y a un fusil dans cette baraque ».


A ce moment, le gendarme montre à Monnier le fusil trouvé près de la scène du crime ; il le reconnaît et semble étonné de le voir là !





(Monnier Oscar : garde - chasse de la Marquise)





Monnier continue sa déposition : « je ne comprends pas comment ce fusil est ici ; il faut qu’on ait été fracturer la baraque pour qu’il soit là (pro-justitia 128) ».


Les gendarmes vont alors accompagner Monnier à la baraque et constatent que la porte n’était pas fermée à clef et que le fusil avait disparu (ainsi qu’une cartouche de 16 mm). Il restait deux cartouches de 12 et une de 16 mm. Les gendarmes saisissent les munitions et les envois au greffe à Mons. Pas de trace d’effraction constatée.




(Croquis de la « baraque « : Delplace architecte )




(Plan de la « baraque «)




Les gendarmes vont entendre dans l’après-midi le cordonnier de Ligne à savoir Vinval Léon.


« Le 5, dans l’après-midi, le garde Monnier est venu chez moi à Ligne me disant qu’il connaissait un nid de fauvette dans le parc du château à Moulbaix. Je suis allé avec lui dans ledit parc ; nous sommes entrés dans une baraque de briques. Il m’a montré un fusil et m’a dit qu’il moisissait.

Nous sommes entrés dans cette baraque pour prendre de la « glu » afin de tendre un piège à fauvettes. Je suis rentré chez moi vers 18 h. Je n’ai rien d’autre à déclarer (pro-justitia 128) ».




(Croquis du presbytère de l’époque ; celui-ci se trouvait à la gauche de la petite plaine de jeux actuelle. Cette plaine est au-dessus de l’ancienne glacière du château).


Quant à Chanoine François (42 ans) ouvrier agricole pour le compte du Marquis, il déclare :

« Je sais qu’il y a souvent un fusil dans la baraque. Je l’ai déjà eu quelques fois chez moi, mais il y a longtemps que je ne l’ai plus vu ! Je n’ai pas encore été à la baraque cette année (pro-justitia 128) ».




Ce 6 juin 1889 les gendarmes vont saisir le fusil utilisé pour le crime et l’envoyer au greffe à Mons.

Le pro-justitia 128 sera envoyé au procureur de Roi à Mons.

Ce soir-là vers 18 h, le Maréchal de logis Dambroise envoie un télégramme au Procureur Du Roi à Mons pour l’informer de l’assassinat. Une voiture l’attendra à la gare Ligne le lendemain à 10 h.










Le 7 juin 1889, au matin, arrive le Procureur du roi à Moulbaix. C’est Alexandre Borman procureur du Roi près le tribunal de première instance de Mons.








Il retrouve dans le jardin de la cure Monsieur Lausheau ancien ministre de la Justice, Monsieur du Roy de Blicquy vice-intendant au tribunal de première instance de Bruxelles, Monsieur le Marquis de Chasteler (fils de la défunte) et Monsieur Du gnolle échevin à Moulbaix.

Dugnolle lui indique l’endroit où le fusil a été retrouvé ; arme retrouvée par un certain Moreau qui avait cru bon de ne pas y toucher. Ce fusil était un Lefaucheux et avait été abandonné canon tourné vers l’église.





(Fusil similaire à celui utilisé par l’assassin)





Le marquis les invite à entrer dans la chambre mortuaire. Les meubles sont restés à leur emplacement. Ils constatent que la table est recouverte de journaux et papiers. Le fauteuil où se trouvait la Marquise est recouvert d’un drap blanc taché de sang. Les rayons de la bibliothèque sont ébréchés par plusieurs impacts ainsi qu’un livre. La lettre qu’écrivait la Marquise est sur la table ; elle commençait par ces mots « Monsieur j’ai bien regretté… » et se terminait par « Moulb…».

Le procureur entendra de nouveau tous les témoins qui feront la même déposition que le jour du crime. Oscar Monnier sera de nouveau entendu. A titre de renseignements, il indiquera qu’un certain François Deleuze qui s’occupait de l’élevage des faisans avait été renvoyé par la Marquise il y a un mois. Deleuze était de Villers-Saint-Amand.

C’est Monsieur Delplace, architecte à Mons qui sera chargé en tant qu’expert des croquis de la scène du crime et d’autres lieux dont nous reparlerons plus tard.

Dans les jours qui suivent, le Maréchal des logis Dambroise va retourner à Moulbaix, accompagné de Monsieur du Roy de Blicquy. Ils vont ensemble aller voir la « baraque » où se trouvait le fusil d’habitude. C’est là que pour la première fois, Monnier va être accusé du meurtre par Monsieur de Bliquy …. « C’est vous qui avez tué la Marquise ! Et si ce n’est pas vous, vous devez savoir qui ! Vous devez alors nous assister pour trouver l’assassin ! » Monnier est devenu pâle et a maintenu qu’il était innocent dans cette affaire.

Dambroise soulignera qu’ils avaient la « conviction morale » que l’auteur du crime était présent à leur côté ce jour-là !

Ce 7 juin, le juge d’instruction Léon Legrand va nommer deux médecins pour pratiquer l’autopsie de la Marquise. Il s’agit de Joseph Descamps et Edmond Raulier qui devront déterminer les trajectoires des balles, la distance approximative de la position de l’assassin ainsi que la taille probable de celui-ci.

Le lendemain Borman se rend de nouveau à Moulbaix, vers 8h du matin. A son arrivée il rencontre le père jésuite Brafaux qui leur explique que mademoiselle la Marquise de Chasteler désire assister à l’autopsie de sa mère et qu’il n’arrivait pas à l’en dissuader ! C’est finalement son frère qui lui fera entendre raison.

Le gendarme Rochette dit alors au procureur que la rumeur publique accuse Monnier. Celui-ci aurait été prévenu que la Marquise souhaitait lui donner « ses 15 jours » ….

L’autopsie peut alors commencer. Les médecins légistes expliquent qu’ils ont calculé les trajectoires à l’aide de fils. Madame Deblock se met dans le fauteuil car elle a la même grandeur que la Marquise puis on procède à la reconstitution de la scène. Vient ensuite l’autopsie proprement dite du corps de la victime en présence du fils et du docteur Cierro, médecin de famille.






Durant cette séance, Monsieur le Marquis fait état d’une lettre anonyme reçue avant le drame et qu’il en est toujours à sa recherche. « Monnier est à notre service depuis 3 ans. Depuis l’incendie du château nous ne pouvions plus donner de chasse à courre ; ma mère avait donc décidé de le congédier. C’est moi qui ai insisté pour le garder comme garde-chasse »

D’autres dépositions seront prises par les gendarmes :

Moreau Émile (jardinier) : « depuis quelques temps la sympathie de Madame la Marquise à l’égard du taupier (Monnier) me paraissait beaucoup plus refroidie »

Norban Adèle (ménagère) : « Madame la Marquise avait dit au taupier qu’il n’avait plus que deux mois à travailler à son service. »

Monsieur le Marquis : « le taupier a toujours ignoré les intentions d’un renvoi éventuel »

Gillet Nicols (ouvrier agricole) : « plusieurs fois Monnier m’a agressé verbalement parce que je ramassais des branches dans le parc. Un jour il a utilisé son fusil pour briser les liens de mon fagot et une autre fois m’a menacé de me flanquer un coup de fusil. »

En bref, la situation du garde de chasse devenait de plus en plus délicate.

Rapidement les gendarmes firent une perquisition chez Monnier à Villers-Saint-Amand ; ils y saisirent quelques cartouches semblables à celles du meurtre.

Mais qui était réellement Oscar Monnier ?

Il est né à Viane près de Grammont, il suivit ses parents quand ils vinrent se fixer à Philippeville pour y exploiter une ferme. Après son mariage avec Léontine Defrance, de Florenne, il s’établit à Anzinne où il exerça le métier de preneur de taupes (taupier). Reçu au château de Presle chez le Comte d’Oultremont, c’est par l’intermédiaire de celui-ci qu’il est entré au service de la Marquise à Moulbaix en qualité de garde-chasse, piégeur et éleveur de faisans. Monnier est père de deux garçons : le cadet, Edouard à 6 ans à l’époque, l’autre Hilarion, âgé de 9 ans, fréquente l’école des frères. L’enfant est estropié d’un accident survenu à 7 ans. Jouant avec une cartouche de dynamite, soudain celle-ci fit explosion, emportant les phalanges de la main gauche ! La Marquise était alors intervenue afin que le petit ait toutes ses chances dans sa vie future.

Étrangère au pays, la famille Monnier a toujours été tenue à l’écart. Habitant au château de Villers-Saint-Amand qui à l’époque était en ruine. La jeune femme souvent seule, dû s’adjoindre sa sœur Clémence, jeune fille de 19 ans, qui faisait donc partie de la maison.

Oscar était réputé excellent éleveur de faisans. Ses appointements à Moulbaix étaient très honorables, mais moins bons qu’à Paris ! Mais ici, il avait le logement et un hectare de terre à cultiver.

Monnier n’avait pas tardé à mériter les bonnes grâces de ses maîtres en même temps qu’il s’attirait les colères et rancunes de ses semblables.

Après l’incendie de Moulbaix, la plupart des meubles et des malles contenant des objets précieux ont été remisés au château de Villers-Saint-Amand. C’est Monnier qui en avait la garde, c’est dire que la Marquise avait toute sa confiance.






Le château de Villers-Saint-Amand était de style classique. Autrefois propriété des Cossée de Maulde, il est la propriété de la famille du Chasteler de Moulbaix en 1889.

Durand la seconde guerre mondiale son propriétaire refusa qu’il devienne un logis éventuel aux Allemands. Il y entreposa sa réserve de paille. Et malheureusement le château pris feu !

Détruit après-guerre, une villa cossue le remplaça ; construite sur les caves du château qui ont été de cette façon préservées.





(Situation actuelle 2019)







( cave de l’ancien château 2019 )





(Croquis de l’architecte Delplace 1889)





Ce 13 juin 1889 la petite gare de Ligne va connaître un trafic de voyageurs important. Les trains venant de Tournai et Ath y déposent une foultitude de gens touchés de près ou de loin par le décès de la Marquise, mais aussi par de nombreux curieux. C’est le confesseur de la Marquise, un père jésuite, qui accueille les invités. Depuis son décès, c’est dans le mausolée familial à l’entrée du petit cimetière que repose la défunte.


(Mausolée en pierre calcaire de style gothique qui se trouve toujours là aujourd’hui).










La bière est recouverte d’un drap d’or, sous lequel se détache une croix formée de rose rouges. Tout autour un amoncellement de fleurs. Des cierges brûlent dans de grands candélabres or ; un prêtre et des religieuses disent la prière des morts. A la porte deux gardes immobiles en livrée du Chasteler : de drap vert, passepoil rouge, aux boutons d’or ornés d’un C que surmonte une couronne de marquis. Au dehors, dans le cimetière, des dames prient.


Auprès du corps prient Marie du Chasteler, fille de la Marquise, et Camille du Chastel de la Howarderie, sœur de la victime. Des tapissiers d’Ath donnent la dernière main à la décoration de l’église complètement transformée en chapelle ardente. Des draperies noires parsemées de larmes d’argent ornent les piliers. La chair disparaît sous les tentures de deuil.

Un piquet de gendarmes, commandés par le maréchal des logis Dambroise, est venu d’Ath pour assurer la sécurité. Le personnel du château est placé sous les ordres du chef-garde Scops.

Le train qui arrive à Ligne à 10h30 a amené un nombre considérable de personnes qui prennent place dans des voitures envoyées à leur rencontre. L’innombrable file d’équipage s’ébranle et suit au grand trot le chemin menant au parc, qu’on traverse dans toute sa longueur, pour déboucher sur la place de l’église. C’est là que le Marquis du Chasteler entouré du Comte Victor de Marnix, le Comte Albert du Chastel, du comte Aymard d’Ursel, du Baron de Vinck, du Comte de Jonghe et du Baron Arnold de Woelmont, attend les invités à ce triste événement.

Beaucoup de dames sont habillées de toilette noire. On remarque aussi la présence des Princes Ernest et Louis de Ligne, du comte Ferdinant d’Oultremont, du Comte de Rouillé, du Colonel du Roy de Blicky, du Baron Lunden et du Comte Armand du Chastel.







Bientôt la place est trop petite pour contenir tout ce monde. On remarque aussi la présence des paysans endimanché, les archers de la localité en uniforme, fiers de brandir leur bannière. La cloche sonne tristement dans la campagne ou toute la vie s’est arrêtée. Sous les arbres du presbytère, on range les chevaux ; des religieuses amènent des petites filles en deuil, portant des bouquets de fleurs des champs. Ce sont les pensionnaires d’un couvent fondé dans les environs par la Marquise. Des congrégations débouchent de tout côté.

C’est à 11 heures que la cérémonie commence. La levée du corps a lieu dans le mausolée. La bière est emportée de façon processionnelle vers le cœur de l’église. Cette église bien trop petite pour contenir la foule ! Les gens s’agenouillent à même le sol à l’extérieur. L’office terminé, le cercueil fût descendu dans la crypte sous le mausolée. Les invités furent reçus au château, dans une salle aménagée à la hâte puisque la restauration était toujours en cours.

Il est certain que les spéculations sur l’identité de l’assassin allaient bon train ! Certains regards devaient en dire long ! Monnier quant à lui devait bien se douter que l’étau allait bientôt se refermer sur lui …





(La marquise)


Très communément porté avant la réforme liturgique du concile Vatican II, le noir fût plus que probablement porté par le prêtre lors des funérailles. Le noir est associé au deuil depuis la Rome antique, et selon la tradition, il symbolise la mort. C’est une couleur qui indique l’obscurité et reflète la tristesse. La chasuble présentée ici fait partie des vêtements ecclésiastiques de la chapelle du château de Moulbaix. Brodée de fils d’or et aux armes de la famille du Chasteler. En vieux français : « jamais tant Moulbais » c’est-à-dire « j’aimais tant moulbaix ».

Aucune indication sur le vêtement n’indique son origine de fabrication. On sait néanmoins que Bruges fut une ville importante en matière de fabrication d’objets et de vêtements liturgiques.

Outre la quinzaine de chasubles qui compose ma collection, on sait que la Marquise en fit fabriquer pour offrir à d’autres paroisses. Ainsi l’église d’Irchonwelz en possède au moins une.




Chasuble romaine de deuil provenant de la chapelle du château, broderie au fil d'or. Collection Guy Massart.






(Pâle de calice)







Le 8 juin 1889, Léon Legrand juge d’instruction se rend à Moulbaix pour continuer ses devoirs d’enquête. Il arrive par le train de Mons de 18h30 et est accueilli par le Maréchal des Logis Dambroise et l’échevin Dugnolle. Leur conversation se porte sur des soupçons concernant un certain Fromont, ancien garde de la Marquise ayant été renvoyé ainsi que sur un de ses fils. Ils font aussi état d’un certain Fernand qui a été lui aussi renvoyé du château.



(Gendarme de l’époque)





Ce soir-là, ils vont aussi rencontrer le fils de la Marquise et la Comtesse d’Ursel. Cette rencontre se fait au presbytère. La comtesse confirme la rumeur au sujet de Fromont ; elle en a entendu parler la veille au château d’Ormeignies. « Il a été renvoyé il y a 3 ans et serait parti en France pour les moissons ; mais il a des fils qui sont restés ici ! ». La Comtesse poursuit en disant qu’elle ne connaît pas Monnier mais qu’il avait proféré des menaces à l’égard de sa tante, la Marquise du Chasteler.

Quant au fils de la défunte Marquise, il signale qu’un certain de Haulleville lui a rapporté que la tenancière d’un café lui avait dit qu’elle était persuadée de la culpabilité de Monnier et qu’elle était prête à en témoigner. Il signale au Juge que Fromont avait été renvoyé par Monnier et qu’il avait été condamné pour vols. Fromont jouissait d’une mauvaise réputation ; deux de ses fils travaillaient à la reconstruction du château. La Marquise avait demandé à l’architecte Limbourg de les licencier à cause de la réputation de leur père. Pourtant Limbourg les reprit de nouveau sur le chantier grâce à l’intervention d’une dame Cambron propriétaire des maisons de l’architecte et de Fromont ! Le Marquis de conclure que quand Monnier était arrivé au service de la Marquise, il avait mis fin à des abus au sein du château et qu’il n’avait aucun intérêt à tuer la Marquise. « Lorsque Monnier a vu ma mère morte, il a dit en pleurant : ELLE AVAIT PEUR DU FEU, DE L’EAU ET DE LA MORT, ET LA VOILÀ ».

Quelques jours après, c’est Léontine Defrance, épouse de Monnier, qui fait une déposition devant un juge d’instruction. Elle a 30 ans et est ménagère. Le jour de l’assassinat son mari est rentré à 20 heures, ils ont soupé et Monnier a délié les chiens. Ils se sont couchés vers 21 heures sans faire de ronde de nuit. Selon elle, il y a longtemps qu’il n’en faisait plus. Il s’est levé vers 4 heures pour faucher les foins avec Jean-Baptiste Cardinal. Elle fait remarquer qu’ils sont étrangers à cette commune et que pas mal de gens les jalousent. Elle nomme Fernand Deleuze que son mari a fait renvoyer car il volait du grain à la Marquise. Cambron, le garde- chasse, en voulait aussi aux Monnier car il avait été congédié. Le garde-chasse Scops jalouse aussi son mari car il possède trois fusils. Son mari reçoit 1.000 francs par an comme garde-chasse et 29 centimes par faisan élevé. Il lui est arrivé d’en élever 1900 par an ! Les Monniers sont aussi logés gratuitement au château de Villers-Saint-Amand. Lors de la mort de sa mère, Oscar a reçu 1800 francs d’héritage.






Le même jour, c’est Hilarion Monnier, 9 ans, fils d ‘Oscar et de Léontine qui est entendu. Il dépose « sans serment », vu son jeune âge. Il confirme les dires de sa maman ; il dormait dans la chambre de ses parents.

Ensuite c’est Defrance Clémence, la belle-sœur de Monnier, qui vit avec eux à Villers, qui confirme de nouveau les dépositions précédentes.


Le 10 juin, le juge d’instruction arrive à la gare de Ligne et est de nouveau reçu par Dambroise, Dugnolle et trois hommes en civil (gendarmes). Ils se rendent à la maison communale de Villers-Saint-Amand. Ils demandent à Dambroise de se rendre chez Monnier pour « l’inviter » à rejoindre la commune. Dambroise doit y laisser deux gendarmes sur place pour surveiller la famille ! Mais Monnier n’est pas là ! Toute la délégation se rend alors chez Oscar. Là, ils découvrent dans le vieux château de Villers, le mobilier, les tableaux et objets précieux du château de Moulbaix.

Monnier en avait la garde durant les travaux de reconstruction de l’édifice incendié. L’épouse et la belle-sœur sont entendues et une perquisition des lieux est faite. De cette perquisition sont saisies des bottes en caoutchouc, des cartouches, des documents …. L’épouse défend son mari de façon énergique ! « Ce n’est pas lui … ».

Le 12 juin, le juge entendra Monsieur Charles de Haulleville de Bruxelles (30 ans, sans profession). Il confirmera avoir entendu la tenancière, dans un cabaret proche du château, porter des accusations contre Monnier. Oscar avait, selon elle, mis en joue avec son fusil, sa fille et son fils ! D’autres personnes présentes dans cet estaminet firent remarquer que Monnier cachait la clé de la « barraque » dans une anfractuosité du mur ou sous la porte.

Au sujet de cette clé, les gendarmes Rochette et Piérrard feront le tour des nombreux serruriers de Ath (une quinzaine), afin de savoir si Monnier n’avait pas fait une copie de la clé. Un seul, Masson Edouard de la rue des Ecriniers, se souvint que Monnier lui avait demandé un double de la clé du château de Villers-Saint-Amand. Mais il refusa de lui faire car « les Seigneurs » n’aimaient pas ce genre d’initiative, sans leur accord ! Les deux agents continueront leurs investigations chez les maréchaux ferrants des villages voisins. Ces artisans étaient aussi capables de fabriquer des clés mais à des couts plus élevés. Aucun d’eux ne mentionnèrent Monnier dans leurs clients.

14 juin, Waremme Felix, domestique de Madame la Marquise est interrogé à la maison communale de Moulbaix. Il avait l’habitude de fermer les volets du presbytère vers 22h30. Par cet été chaud et la présence de son fils, elle demandait à sa femme de chambre de venir fermer les volets de la bibliothèque plus tard. Selon lui, le Marquis ne venait pas souvent à Moulbaix ; mais quand il y était, il passait la soirée avec sa mère. Mais le soir du crime, c’est Waremme qui ferma les volets et quelqu’un les a donc rouverts ! Le domestique était à la Cure le lendemain matin du drame et a vu Monnier en pleure demander une « goutte » pour se remettre. Felix l’a trouvé très affecté par la vue du cadavre de la pauvre victime.

Monnier est de nouveau entendu ce jour-là et informe le juge qu’il a oublié de dire que le soir du crime, Mademoiselle Héloïse, femme de chambre de la Marquise, l’a vu chez lui à 21 heures.

Il réfute avoir menacé qui que ce soit avec son fusil. Il précise que le Docteur Sierro se rendait parfois à la barraque et qu’il connaissait l’endroit ou Monnier cachait sa clé ! En ce qui concerne les chaussures en caoutchouc, il dit qu’elles proviennent des objets sauvés de l’incendie et qu’il s’en sert comme pantoufles.




Vient ensuite la déclaration de Monsieur Dugnolle (Echevin à Moulbaix). Le soir du drame, c’est le beau-frère de la cuisinière François Buisson et Tilliet (dit canari) qui le préviennent de la part du Marquis. Ils arrivent à la Cure vers minuit. Selon eux, il fait une obscurité totale sur la place et ils doivent marcher à tâtons. La Marquise est étendue sur un lit. Le Marquis lui raconte le drame et lui précise qu’il n’a rien vu venir. Selon Dugnolle une entente parfaite existait entre la Marquise et ses enfants : « c’est l’opinion générale de la commune ». Dugnolle ramassa le fusil abandonné et le présenta au Marquis qui reconnut le fusil qu’il avait donné à Monnier.

Dans la même journée, le curé Adelin Vandenberghe, 41 ans, est lui aussi entendu. Il n’accuse personne sans pour autant dire du bien de Monnier ! Toujours cette rumeur publique … Comme dans les dépositions précédentes, le juge pose la question au sujet de l’entente entre la Marquise et son fils. Fils qui était revenu la veille du drame à Moulbaix.

Quant au docteur Sierro, 36ans au service de la Marquise, il se montrera plus respectueux de Monnier. Pour lui, la Marquise estimait le garde qui faisait régner l’ordre avec une main de fer.

La femme de chambre, Barbara présente le jour du drame à la cure, indiquera que c’était Felix Waremme qui avait fermé les volets et que quelqu’un avait dû les rouvrir ! Fait intéressant, Barbara mentionne la présence du petit chien de la Marquise dans la bibliothèque au moment du coup de feu ! Le Marquis avait aussi son chien auprès de lui ; pourtant aucun des deux n’aboya ! Ces chiens avaient pourtant l’habitude de « sonner l’alarme », pour un rien …

La journée se terminera par la déposition du Marquis. Celui-ci confirme que c’est Waremme qui a fermé les volets mais qu’après son départ Madame la Marquise a demandé à son fils d’en rouvrir un. « Il faisait extrêmement chaud ! ». En ce qui concerne les chiens, le Marquis les qualifie de mauvais chiens de garde, raison pour laquelle, ils n’ont pas « donné ».

En ce qui concerne Monnier, il précise que celui-ci a l’habitude de tirer à droite avec son fusil.

On reparlera dans cette déposition des fameuses bottes en caoutchouc de Monnier ; pratiques, selon le Marquis, pour ne pas effrayer les faisans !








Le 21 juin, le testament de la Marquise défunte est ouvert. Il y a deux documents ; le premier date de 1877, c’est le testament proprement dit. Le second est un codicille ; c’est-à-dire une modification au premier document. Celui-ci sera fait dix ans plus tard en 1887.

Voici « in extenso » les deux actes.


« Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.

Je recommande en mourant mon âme à Dieu. J’implore sa miséricorde infinie et je lui recommande la grâce de me pardonner mes offenses. Je prie la Sainte Vierge Marie et Saint Joseph de ne pas m’abandonner dans mes derniers et terribles combats.

Je dis adieu à mon Père bien aimé auquel je dois tant, et je le remercie à ma dernière heure de toutes ses bontés pour moi, je le prie de me bénir et de me pardonner tout ce que j’ai pu faire qui lui a déplu pendant le cour de mon existence. Je bénis et j’embrasse bien tendrement mes chers enfants en les quittant dans ce monde, et j’espère que par la miséricorde de Dieu nous pourrons nous retrouver un jour réunis aux âmes si chères qui nous ont devancées dans l’éternité !

Je dis en mourant à mes chers enfants de rester unis entre eux et je leur recommande de rester fidèles à Dieu, à leur religion et de conserver toujours la crainte de Dieu et l’amour du devoir.

Je dis adieu à ma chère sœur Marie, à mon frère Eugène, ainsi qu’à ma belle-sœur Julienne et à mon beau-frère Camille. En mourant, je recommande mes enfants bien aimés à mon père.

Je donne et lègue par préciput et hors part à ma fille Marie du Chasteler, toute la portion de tous les biens que je posséderai à mon décès, et dont la loi m’autorise à disposer. Je veux cependant que sur cette quotité disponible soit prélevée au profit de mon fils Charles du Chasteler, une somme de trente mille francs à employer de la manière suivante : distribuer annuellement aux pauvres de la commune de Moulbaix les intérêts d’un capital de dix mille francs, placé autant que possible à cinq pour cent, et d’employer les intérêts d’un capital de de vingt mille francs, placé également autant que possible à cinq pour cent, pour l’entretien des sœurs et de l’école religieuse que j’ai établie à Moulbaix ainsi qu’il est dit dessous.

Pour réaliser les intentions que mon mari et moi nous avions formées, j’ai établi dans une maison dépendant du domaine de Moulbaix , léguée à mon fils par son père, une école pour l’éducation à donner par des religieuses aux enfants pauvres de la commune ; je recommande cette école à la sollicitude toute particulière de mon fils, et, si la maison que j’ai affectée devait plus tard recevoir une autre affection, je désire que mon fils mette une autre maison avec des installations suffisantes à la disposition des institutrices religieuses.

Par dérogation au legs de la quotité disponible que j’ai fait ci-dessus par préciput et hors part à ma fille, je veux que les bijoux, perles et pierreries que je délaisserai soient partagées par juste moitié entre mon fils et ma fille.

Je veux que l’on fasse célébrer aussitôt après ma mort quatre mille messes pour le repos de mon âme.

Je veux que l’on fasse brûler tous les papiers, boites et livres désignés par moi pour être détruits, et j’entends qu’ils soient brûlés sans être regardés ou lus. Ces objets se trouvent soit dans mon coffre- fort, secrétaire, armoire, ou dans une petite malle de voyage. Je révoque toutes dispositions testamentaires faîtes antérieurement.

Je nomme pour mon exécuteur testamentaire Monsieur le Notaire Van Halteren moyennant une rétribution convenable. Mes dernières paroles avant de recommander une dernière fois mon âme à Dieu sont pour mes enfants bien aimés une prière et une bénédiction.


Fait à Moulbaix, le trois mai mille huit cent soixante-dix-sept.

Marquise du Chasteler née de Marnix ».



« Ceci forme un codicille à mon testament du trois mai 1877. Par dérogations aux dispositions contenues dans mon testament précédent, je veux et j’entends que mes bijoux et ceux dépendant de la succession de mon mari, soient réunis en une seule masse et partagés ainsi par juste moitiés entre mes deux enfants ; si pour atteindre ce résultat, une disposition par préciput, en faveur de ma fille, était nécessaire, je la fait par les présentes. Ce partage de bijoux ne comprendra nécessairement pas les bijoux dont j’ai disposé spécialement en faveur de parents, collatéraux ou des amis.

Encore par dérogation à mon dit testament, je veux et j’entends que l’argenterie et les objets d’art qui dépendent de ma succession soient partagés aussi par juste moitié entre mes deux enfants.

Par dérogation au leg que j’ai fait à ma fille Marie du Chasteler, de la quotité disponible de mes biens et par imputation sur ce legs, je laisse à mon fils Charles du Chasteler, tout l’ameublement que j’ai apporté à son château de Moulbaix, y compris les vases sacrés de la chapelle.

Je laisse à ma sœur Marie du Chasteler, la montre et la chaîne qui ont appartenu à ma bien chère mère.

Je laisse à mon frère Eugène de Vincck, la miniature représentant ma bonne mère.

Je laisse à ma belle-sœur Julienne de Vinck, ma bague composée de cinq rubis.

Je laisse à mon amie la Princesse Henry de Ligne, comme souvenir, ma bague composée de trois rubis et de deux brillants.

Je lègue à ma filleule Marie Kitschke une somme de deux mille francs.

Je laisse à Barbe de Block une somme de deux mille francs.

Je dispose, en plus, en faveur de ma fille, de tous mes livres de comptes personnels, de ma correspondance privée et de toutes les notes tracées de ma main. Toute ma toilette et autres objets à mon usage personnel.

Je désire que personne d’autre que mon fils et ma fille n’ouvrent mes armoires, mes tiroirs et ma petite malle renfermant mes papiers ou correspondances.

Comme condition formelle de tous les legs qui précèdent, je veux que mes légataires particuliers ne puissent jamais exiger de mes héritiers, la communication des autres dispositions testamentaires que j’aurais faites.

Par mon testament précité du trois mai mil huit cent soixante-dix-sept, j’ai disposé au profit de mon fils et par imputation les quotités disponibles de mes biens légués à sa sœur d’un capital de de vingt mille francs. Dont les intérêts seront employés pour l’entretien des sœurs et de l’école religieuse que j’ai établie à Moulbaix ; je porte ce legs dans les mêmes conditions à un capital de quarante mille francs ».


Fait à Bruxelles ….

19 juin 1884 le Maréchal des logis Dambroise se rend à Ligne chez le dénommé Delriviére Camille, garde barrière des chemins de fer. Il déclare aux gendarmes que le 5 juin il était de service à la barrière N° 36 à Villers-Saint-Amand et a vu Monnier passer près de lui vers 18h30 – 19 h. Il se dirigeait vers Ligne.

Pour Dambroise cette déclaration paraît « louche ». Delrivière semble embarrassé par la présence des gendarmes et n’est pas affirmatif dans ses déclarations. Il a un regard fuyant !

Dambroise fera mention de la sournoiserie et de l’avarice du déposant …

Autour du château et du presbytère les recherches continuent pour retrouver la housse du fusil. Dans le parc on fauche pour faire le foin ; les ouvriers ont ordre d’inspecter le sol lors du fauchage.

Du côté des experts en armes à feux, ceux-ci font état que l’arme du crime « crachait » (fusil qui projette des grains de poudre ou des étincelles).

A ce sujet, le docteur Sierro qui avait l’habitude d’utiliser ce fusil déclarera qu’il avait été blessé au niveau du nez lors d’un tir ; blessure sans gravité qui ne lui empêcha pas de réutiliser de nouveau l’engin pour tirer quelques lapins.

Le Marquis fera aussi état de ce fusil : « parfois lors d’un tir il s’ouvrait et des projectiles étaient expulsés par l’arrière du canon ! ».

Le 25 juin, la jeune Marquise du Chasteler est entendue par le juge d’instruction. Elle vit à Bruxelles et semble peu concernée par la vie au château de Moulbaix. Sa mère lui a bien parlé de Monnier dans sa correspondance mais sans en attacher une grande importance.

Le 21 juin, le testament est ouvert et sans surprise la Marquise partage ses biens entre ses deux enfants, à parts égales. Quelques modifications seront apportées dans un codicille. Rien dans de testament ne favorise plus un enfant que l’autre.

Dans le village plusieurs clans se forment. Certains sont persuadés de la culpabilité de Monnier, d’autres aimeraient bien le voir endosser la responsabilité de ce meurtre et d’autres, plus rares, ne pensent pas qu’il puisse être coupable !

Un certain Lottin Emile, Maréchal des logis à Roeulx (Le Roeulx) et ancien gendarme à Ath ne sera pas avare d’éloges envers Monnier. Après son départ d’Ath, la femme du gendarme habitera quelques mois chez les époux Monnier à Villers. Ce gendarme, lors de sa déposition, fera état que le Docteur de la Marquise utilisait parfois le fusil et qu’il connaissait la cachette de la clef !

En bref, l’enquête piétine et rien de nouveau pour pouvoir désigner un coupable ! Et pourtant le 20 juin 1889, le garde Monnier est inculpé de meurtre et écroué à la prison de Mons.

La presse évoquera « un soulagement universel » pour la population !

Pour éviter les curieux, les gendarmes prennent la route de Ligne avec le prisonnier ; mais les paysans occupés dans leurs champs comprennent vite la situation. C’est sous les cris, huées, sifflets, menaces et injures que le garde-chasse sera mis dans le train de marchandises de 7 heures du soir.

Au moment de son arrestation, Monnier fait prévenir l’instituteur Léon Populaire qui se chargera de prévenir son épouse. En apprenant la nouvelle, elle fut prise d’une fièvre et de délire. Elle ne cessera de protester de l’innocence de son mari.








C’est à 19h40 que Monnier arrive à la prison de Mons et est mis au secret !

Il est accompagné de son frère qui se rend directement chez Maître Harmignies avocat qui a déjà défendu l’accusé dans une autre histoire de coups et blessures.




(Alphonse Harmignies, avocat)




Il faut noter, pour la petite histoire, que c’est dans cette prison qu’en 1873 fut emprisonné deux ans Paul Verlaine pour avoir porté aussi « coups et blessures » à Rimbaut.

Prison qui du reste ne dépaysera pas Monnier de Moulbaix puisque son architecture est semblable à celle du château de la Marquise : le style néo-tudor (architecte François Derré).




« Avez-vous déjà été condamné ?


Oui, pour coups »


« Vous êtes inculpé, d’avoir commis volontairement, avec intention de donner la mort et avec préméditation, un homicide sur la personne de la Marquise du Chasteler, dans la nuit du 5 au 6 juin 1889 à Moulbaix ».


« Qu’avez-vous à dire ? «


« Je suis innocent du crime qu’on m’impute, je ne sais comment vous m’accusez d’une chose pareille. Il est absolument faux que j’ai proféré des menaces à l’égard de madame la Marquise, à la suite de l’acquittement d’un sieur Pourtois (Pourtois fût impliqué avec Monnier dans la mort d’un chien). Ni moi, ni ma femme n’avons proféré de menaces envers la Marquise. Quand j’ai vu le garde des chemins de fer Delrivière, le mercredi 5 juin, il était environ 4 heures et demie ; je me rendais chez Vindal … ».


Telle fut la déclaration de Monnier au juge Louis Spronck qui l’inculpa.



Monnier passera donc sa première nuit en prison, loin de sa femme et de ses enfants.





Le jour de son arrestation, le juge en charge, auditionne plusieurs témoins dont le conte d’Ursel qui va « charger » Monnier. Il déclarera que le gendarme du Roeulx (Emile Lottin) n’était pas fiable. Que celui-ci avait été muté à la demande de la gendarmerie d’Ath. De l’argent aurait transité entre lui et Monnier sans que la Marquise n’en soit informée.

Le conte indiquera aussi au juge un petit passage entre le parc du château et le presbytère dans la haie. Cet endroit aurait permis à l’assassin de se faufiler sans bruit vers la fenêtre ouverte.

Le 21 juin Monnier est de nouveau entendu et persiste dans ses déclarations, soulignant que seul le Docteur Sierro connaissait l’endroit de la cachette pour la clef de la cabane !

Quant à l’épouse du gendarme Lottin, elle déclarera que jamais Monnier et sa femme n’avaient eu de propos agressifs envers la Marquise. Le chien du garde avait été tué par un braconnier et cette affaire s’était retrouvée devant le juge avec à la clef un acquittement du braconnier. Cela avait affecté Monnier et sa femme ! Les gens étaient jaloux du garde …

Le 23 juin, Monnier déclare au juge qu’il ne voit qu’une seule explication à la présence de son fusil sur les lieux du crime : « on a voulu me faire accuser du meurtre ! ».

Il fera cette déclaration, pour le moins interpelante : « je n’ai jamais prêté de l’argent à Monsieur le Marquis, il me doit juste mes gages … ».


Le juge demande à la gendarmerie d’Ath de s’enquérir auprès de l’architecte Limbourg, en charge de la restauration du château incendié, de signaler les éventuels renvois d’ouvrier dans les mois précédents le crime. Il en profite aussi pour rappeler à l’ordre la gendarmerie pour qu’elle fournisse un travail efficace dans cette affaire !

Il est certain que cette remontrance de la justice envers les gendarmes aura son petit effet ! A voir la réponse par « pro justitia » des agents Rochette et Barbaix, on imagine qu’ils ont mis les bouchées doubles ! Un rapport de quatre pages d’une écriture des plus claire et avec des détails dignes d’enquêteurs de haut vol.

Ils interrogent donc Auguste Limbourg sur les ouvriers renvoyés. Limbourg leur déclare qu’à une époque plus de 120 ouvriers travaillaient sur le chantier de reconstruction ! Deux seulement furent renvoyés par disgrâce. Ceux-ci l’ont été soit par Limbourg ou par la Marquise. Il s’agit de Deleuze Fernand (29 ans) demeurant à Villers (montagne d’Irchonwelz) et de Siméon Fromond (20 ans) de Moulbaix.

Un autre individu, Gransart Joseph (55 ans), a été renvoyé pour être atteint de maladie contagieuse par la Marquise. Il habite Moulbaix, hameau du Chapitre, dans une demeure contigüe à la famille Brouillard. Madame la Marquise avait une terreur de cette maladie : la « petite vérole » !

Les gendarmes entendirent ce Gransart qui ne fit que de bons éloges de la Marquise et de son fils qui lui allouèrent durant sa maladie et celle de son épouse une rente pour les soins. Le soir du crime il était dans son jardin. Brouillard confirmera cet emploi du temps.

Par contre deux autres personnes témoigneront lors de ce « pro justitia » de la propension de Monnier d’être « facile de la gâchette » ! L’épouse de Glorieux Alphons en fit l’expérience. Elle se trouvait aux commodités au bout de son jardin lorsqu’ elle entendit siffler les plombs à côté d’elle ! Son mari avait quelques jours auparavant menacé Monnier de représailles parce qu’il tirait des faisans près de sa maison. Barbet Ferdinant quant à lui confirmera les dires de Delrivière (garde- barrières) au sujet du passage de Monnier, le soir du crime vers 22 heures, devant sa maison à Ligne.





(ENRIQUE SIMONET « LA AUTOPSIA » 1890 )




Le 13 juillet 1889 le rapport d’autopsie est transmis au juge d’instruction.

Ce sont les docteurs Deschamps et Raulier qui pratiqueront cet acte de médecine légale.

A la demande de la famille, qui au départ s’opposait à ce devoir d’enquête, le corps de la défunte ne sera pas trop mutilé. L’autopsie fût donc pratiquée le 7 juin. A leur arrivée à Moulbaix, le cadavre de la Marquise est parfaitement conservé ; il repose sur un lit placé dans la première pièce à droite de la porte d’entrée de la cure. Le visage est serein, pâle, jaunâtre, les paupières et la bouche sont fermées. La taille de la Marquise est d’un mètre soixante-deux.

A la partie supérieure de la face antérieure de la poitrine et de l’épaule côté gauche, se trouvent plusieurs lésions à bords noirs et secs ; ce sont les trous de ballettes. Sur une surface s’étendant de gauche à droite, du moignon de l’épaule gauche à la nuque (longueur 29 centimètres) et d’avant en arrière (longueur 23 centimètres) depuis le bord inférieur du grand pectoral jusqu’au bord supérieur du trapèze, sont relevés 13 traces de ballettes.

En disséquant les différents trajets produits dans les tissus par ces projectiles se retrouvent dans les muscles des épanchements de sang caillé ; la direction est la même pour tous les trajets. Cette direction donne la provenance du coup de feu ; celui-ci a été tiré de gauche à droite, de bas en haut et un peu d’avant en arrière. La thyroïde a été fortement lésée et il y a un épanchement sanguin dans la partie supérieure de la cage thoracique. Les organes importants de la région antéro-latérale du cou (vaisseaux et nerfs) ont été fortement contusionnés, de chaque côté et sont comprimés par des caillots sanguins assez volumineux.

Les deux médecins estiment que le coup de feu a été tiré à 8 mètres et qu’il y avait une distance d’un mètre trente-deux entre le sol et le fusil.

La Marquise portait ce soir-là une jaquette en satin rouge.

Les conclusions de l’examen déterminent que :

- la Marquise a succombé à une asphyxie rapide déterminée par une hémorragie interne et par la déchirure de vaisseaux et de nerfs importants de la région latérale du cou.

- la Marquise était assise dans son fauteuil au moment de l’impact.

- l’assassin a tiré par la première fenêtre qui se trouve à droite de la porte d’entrée de la cure.





Le 29 juin 1889, l’observatoire de Bruxelles fait savoir au juge d’instruction que dans la soirée du 5 juin (jour du crime), il y avait une température de 18°. L ’humidité était très forte ; ce qui rendait la chaleur plus accablante.

18° pour un mois de juin ne me semble pas excessif !

Le juge d’instruction entend de nouveau Camile Delrivière, le garde-barrière. Celui-ci maintient qu’il a vu passer Monnier et son chien entre 16 h et 18 h. Monnier portait un fusil en bandoulière !

Cette déclaration, peu de témoins proches du garde-barrière, la confirme.

Ce sont sans doute les « chaleurs excessives » de cette fin de mois de juin qui vont pousser certains comportements délateurs. En effet, les premières lettres anonymes arrivent sur le bureau du juge d’instruction. « Ma conscience m’oblige », « je ne peux garder cela pour moi », et même « j’accuse », reprenant le titre d’un article publié par Emile Zola !

Dans une lettre, un agriculteur fait remarquer que cette corporation ne peut pas être tenue responsable du meurtre de la Marquise car celle-ci donnait une plus- value à ce patrimoine.

Tandis que Monnier était un « sans foi, ni loi », se faisant respecter par la distribution de divers gibiers !


Alors que Monnier goute aux premiers jours de son incarcération, ce n’est plus lui qui fait la une ! La « vedette » ; c’est maintenant Camille Delrivière (garde-barrière à Ligne). Contrairement à sa déclaration au juge sur l’heure à laquelle il a vu Monnier le jour du crime (16-18 h), la rumeur publique parle désormais de 22 h15 … Plusieurs auditions de « témoins de on-dit » seront faites à ce sujet. Delrivière aurait confié à Dame Zoé Strebelle qu’il avait bien vu le taupier le soir du crime vers 22h. On peut se demander pourquoi le meurtrier présumé aurait pris le risque de se faire remarquer en passant par un chemin plus long pour se rendre au château ? Il eut été plus simple et plus discret d’emprunter un autre itinéraire !

Le huit juillet le gendarme Rochette, pour satisfaire à l’apostille du juge Spronck, se rend à Moubaix afin d’y entendre un certain Cambron Camille qui vient d’être dénoncé par une lettre anonyme comme étant l’assassin ! Il a 28 ans et est menuisier ; le soir du crime, il est allé prendre un verre dans l’estaminet de Josephine Maquet. En arrivant devant l’établissement, il a entendu une détonation près de la maison du curé ! Selon les témoins du café, Cambron ressortit ce soir-là un peu imbibé ! Si l’enquête ne semble pas avancer, les choses avancent à Moulbaix. Le presbytère a déjà trouvé sa nouvelle affectation. Outre la maison du curé, il abritera des religieuses et la pièce où le crime fut commis sera transformée en chapelle expiatoire (édifice construit sur le lieu où a été commis un acte à expier). Pour ces transformations 250.000 briques seront fabriquées.

Sur la photo qui suit, on voit le presbytère et une partie de la chapelle surmontée d’une cloche. Ces bâtiments ont disparu dans les années 1980.






Autre photo prise de l’église nous montre la chapelle dans sa totalité.









La photo qui suit provient d’une carte postale postée en 1910. L’expéditrice a fait une croix sur un des vitraux de la chapelle pour y marquer l’endroit du crime.








Quant à l’épouse Monnier, elle reçoit déjà l’ordre de libérer les lieux (château de Villers) avec enfants et bagages. L’éventuel procès du taupier n’a pas encore commencé que l’on nettoie déjà le village de cette sale affaire !

Entre temps, Oscar tombe malade en prison. Le gîte doit lui sembler bien différent de sa vie à la campagne qui est son ordinaire en temps normal. Mais il se remettra rapidement sur pieds afin d’affronter la suite !

Le 10 juillet, notre brave curé rencontre le juge Spronck à Moulbaix ; celui-ci est venu sur place pour effectuer des relevés afin que l’architecte Delplace puisse faire ses croquis.

Le curé, qui ne semble pas porter dans son cœur Monnier, déclare que le taupier avait la fâcheuse habitude de passer par l’arrière du presbytère. Il a même prié la Marquise de faire le nécessaire pour changer cette mauvaise habitude. Il dit aussi au juge qu’un éventuel retour d’Oscar au pays causerait sans doute une panique épouvantable. En d’autres termes, il semble que l’homme d’église ne soit pas un adepte du pardon !

Deux jours plus tard, Barbet Ferdinand, éleveur de chevaux, témoignera …

« Je ne puis que répéter ce que j’ai déjà dit : c’est dans le chemin du Vieux Tordoir, au hameau du vieux Oië, près d’un grand arbre, je vois encore la place d’ici, qu’on m’a dit que le garde Delrivière avait vu passer Monnier le soir du crime vers dix heures du soir. Je ne puis pas me rappeler qui m’a tenu ces propos. Il est très probable que ma mémoire me revienne un jour ! ».

Voilà donc un témoin qui se souviendrait de l’essence de l’arbre mais qui serait incapable de se souvenir de son interlocuteur !

Quant à la petite Zoë Strebelle, 17 ans et couturière de son état, elle se rétracte ! Elle a menti pour faire plaisir à Delrivière …

Elle raconte au juge qu’elle a été témoin d’une conversation entre 20 personnes, au pied de l’église d’Irchonwelz. Delrivière était présent et déclara à l’assemblée qu’il avait deux versions des faits selon les interlocuteurs ! 16h, 18h pour certains et 22h pour d’autres car « il a peur des retours de Mathilde ! ».

La situation semble rocambolesque ; d’un côté les « partisans d’un Monnier innocent » vont opter pour 16-18h. Tandis que les « partisans d’un Monnier coupable » vont quant à eux choisir 22h ! Tout cela dans une population peu instruite. On constate dans les « pro justiitia » de l’époque, une rhétorique qui n’est certainement pas celle des témoins !




« Un fils dépensier … »



( jeune Marquis)


Le 16 juillet 1889 vient témoigner devant le juge d’instruction un personnage important par sa fonction et celle qu’il occupera plus tard, mais aussi par sa déclaration dans le déroulement de l’enquête. C’est « dans sa robe » d’avocat à la cour d’appel et président de la chambre des représentants que témoigne ce jour-là l’avocat Théophile de Lantsheere.


« Monsieur le Marquis du Chasteler est devenu majeur le 21 octobre 1882. En octobre 1883, sa mère est obligée de provoquer sa mise sous conseil judiciaire. La demande était fondée sus aux dépenses excessives et inconsidérées auxquelles le Marquis s’était livré, même dès avant sa majorité. La requête mentionne que dès le mois de juillet 1881, il avait souscrit au profit d’un nommé Schoor une acceptation de 248.000 francs (crédit réalisé grâce à un tirage effectué sur le banquier par le bénéficiaire du crédit et que le banquier accepte).

De cette somme, il n’eut que 28.000 francs. Que la Marquise paya à Schoor, sur reconnaissance de remboursement de la dette. A la même époque, il s’était engagé à payer à un sieur Camille Housse, qui semble avoir exercé la plus défavorable influence sur le jeune marquis, deux sommes : une de 20.000 francs et l’autre de 30.000francs. Madame la Marquise paya…

Le marquis était à l’époque à Louvain, avec un abbé français du nom de Guy. Celui-ci prêta de l’argent au Marquis avec une promesse de rente viagère s’élevant à 1200 francs. Cet abbé fit certaines menaces à la Marquise à sa fille ; les choses s’arrangèrent finalement, non sans d’autres promesses du Marquis envers cet ecclésiastique peu scrupuleux. C’est en effet le propre du Marquis que lorsqu’il a été amené à prendre un engagement, si discutable qu’il soit, il se fait un point d’honneur de le tenir, nonobstant les arrangements que les personnes qui s’occupent de ses intérêts pensent avoir obtenus.

La mise sous conseil judiciaire fut prononcée par le tribunal de Mons le 4 janvier 1884, et je fus désigné comme conseil judiciaire. Je reçu connaissance immédiatement d’un acte passé le 20 octobre 1883, devant le notaire cartuyvels, par lequel un certain Marcus Spiltzer ouvrait au marquis un crédit de 800.000 euros florins d’Autriche (1.488.000 francs) moyennant constitution d’hypothèques à concurrence 1.750.000 francs. Cette somme devait servir à rembourser une dette de jeux de 430.000 francs ! Le reste servi à acheter des actions dans des mines de pétrole en Galicie. »

A la suite de cette affaire, la Marquise partit à Vienne pour essayer de négocier pour son fils. Elle y agit avec tant d’intelligence et une incroyable énergie, qu’elle réussit à débarrasser son fils de cette déplorable affaire !

Mais le 22 décembre de la même année un autre acte d’ouverture de crédit avait été passé chez le Notaire Fontaine à Binche. Par cet acte il était ouvert au Marquis deux crédits : 400.000 francs et 290.000 francs : le tout avec garantie hypothécaires.

Le marquis continua donc à contracter des dettes de tous bords : pétrole, jeux, actions, obligations… L’avocat de Lantsheere fait aussi mention de dettes envers certains habitants de Moulbaix. Monnier ne semblait pas concerné par ces prêts au Marquis. Mais l’avocat avait entendu dire que le Marquis complétait le salaire du taupier, puisque la Marquise avait réduit celui-ci.

Toutes les dettes furent payées par la Marquise. On estime les dépenses de la mère à deux millions de francs de l’époque, afin de renflouer les dettes de son fils ! La somme parait énorme, mais l’avocat estime que ces dettes ne diminuent en rien la fortune considérable du Marquis ! La succession de son père était évaluée en 1884 à plus de 8.000.000 de francs belges. Au décès de sa mère restent 5.500.000 francs dont 2/3 lui reviennent en propre. Sa mère quant à elle possède à sa mort près de 3.000.000. Mais de cette somme il ne recueille qu’un tiers car un avantage a été fait à sa sœur par testament de la Marquise. D’après l’avocat, la Marquise avait pour son fils une affection profonde et un dévouement sans borne. Les écarts de celui-ci l’affligeaient et quand il se présentait quelques incidents nouveaux, alors qu’elle s’occupait à réparer des fautes antérieures, elle s’irritait quelques fois et se décourageait, mais cela ne durait guère. Il suffisait que son fils lui témoigne quelques affections et lui fasse quelques bonnes promesses, pour qu’aussitôt tout fut pardonné.

A la mort de la Marquise son fils demanda à l’avocat d’offrir 30.000 francs à celui qui pourrait trouver le meurtrier. Lantsheere cru bon d’en avertir le juge d’instruction et de demander son assentiment, mais celui-ci refusa craignant que l’appât de la prime n’amènerait des dépositions intéressées.





(Théophile de Lantsheere )






Théophile Charles-André de Lantsheere (né à Asse le 4 novembre 1833 et mort à Bruxelles le 21 février 1918) est un homme d'État belge membre du Parti catholique1.

Ministre d’État, Gouverneur de la Banque nationale de Belgique, né le 4 novembre 1833 à Assche, province de Brabant de Joseph-Emmanuel de Lantsheere et Charlotte de Bolster. Il fit ses humanités aux Collèges de Malines et d'Alost. Ensuite, il passa à l'Université de Louvain où il se fit immatriculer à la Faculté de droit. Au mois d'août 1857, il s'inscrivit au Barreau et fonctionna pendant de longues années comme avocat près la Cour d'appel de Bruxelles. En octobre 1887, de Lantsheere est nommé bâtonnier de l'ordre près la même Cour.

De bonne heure, il consacra une grande partie de son activité à la vie publique. Il est nommé conseiller provincial du Brabant en mai 1860 et ministre de la Justice le 7 décembre 1871. Il occupa ce fauteuil ministériel jusqu'en juin 1878.

Théophile de Lantsheere fut élu député à la Chambre des Représentants par l'arrondissement de Dixmude en 1872 et siège dans cette assemblée - dont il fut élu le président de novembre 1884 à 1894 - jusqu'en 1900. Le 8 juin 1890 déjà, le Roi l'avait créé Ministre d'Etat.

De Lantsheere quitta son siège à la Chambre des Représentants lors de son élection, en juin 1900, au Sénat où il représente la Flandre occidentale.

Un arrêté royal du 30 juin 1905 appela le distingué Sénateur aux hautes fonctions de Gouverneur de la Banque nationale de Belgique, et il dut donner sa démission à l'assemblée sénatoriale pour cause d'incompatibilité légale de ces deux fonctions. Cet homme d’État éminent est également un auteur juridique d'une grande autorité et les articles de droit qui ont paru de sa plume, dans diverses publications, ont toujours été très appréciés.

Théophile Charles-André de Lantsheere a été honoré des plus hautes distinctions. Grand Cordon de l'Ordre de Léopold et décoré de la Croix civique de première classe et de la Croix commémorative de Léopold II, il est en outre Grand Cordon de la Couronne de Chêne, Grand Cordon de N.D. de Villa-Vicosa, Grand Cordon de l'Ordre de Pie, Grand Cordon de l'Aigle blanc de Russie. (2)



Il est plutôt rare qu’un criminel abandonne son arme sur le lieu de son crime, c’est pourtant ce qui s’est passé à Moulbaix. Pour ma part j’ai peut-être quelques explications à ce geste. Soit on voulait que l’arme soit retrouvée aux fins de faire accuser une autre personne en l’occurrence Monnier !

Deuxième solution, l’arme fut utilisée par une des personnes présente dans le presbytère et dans ce cas l’impossibilité pour le criminel de cacher l’arme. Comment le fils de la Marquise ne fut pas touché par la décharge ? Il était à ses côtés, et nombre de projectiles se retrouvèrent dans les boiseries et les livres de la bibliothèque !

Malheureusement pour les policiers de l’époque, l’utilisation des empreintes digitales ne verra le jour en France qu’en 1902.









C’est le français Alphonse Bertillon qui pourra identifier un criminel grâce à ses empreintes !

Le « bertillonnage « était néanmoins utilisé … Sous un autre nom : l‘anthropométrie.





(Alphonse Bertillon)





Pourtant les experts en balistique, appelés à l’époque, tout simplement, armuriers vont se baser sur des observations plus simples. L’armurier était Achille Valcke de Bruxelles ; il remit son rapport le 19 juillet 1889.

Le fusil est bien du système « LEFAUCHEUX » à deux coups lisses, calibre 16, fermeture à verrou, clef volute.

Ce fusil breveté en 1876, pesait 3 kilos pour une longueur de plus d’un mètre. Il fut acheté par le Marquis (père ou fils ?) chez l’armurier Mahillon à Bruxelles le 22 août 1887. Il n’était pas neuf et fut expédié au garde Monnier.

Selon l’expert, aucun crachement ne pouvait se produire ! Pourtant les premières auditions faisaient mention de blessures dues au fusil lors des tirs. L’assassin a tiré à partir du canon gauche ; c’est souvent l’habitude des chasseurs ! La douille retrouvée dans le canon était de bonne qualité. Le culot portait l’inscription «16 Mahillon 16 », à Bruxelles. Le papier vert de la douille avait changé de couleur par le contact avec de l’humidité. La douille était chargée de 18 ballettes en plomb durci.

Lors de la perquisition chez Monnier, on retrouvera des cartouches avec les mêmes caractéristiques d’humidité ! L’expertise démontrera également qu‘il y avait au moins 1,40 mètre entre le sol et le fusil épaulé. L’assassin mesurait donc plus ou moins 1,60 mètre.

Pour le juge d’instruction, l’important serait de retrouver la housse du fusil en question. Le 24 juillet, il ordonne une perquisition à Villers-Saint-Amand ou résident toujours l’épouse de Monnier et ses enfants. Durant la journée, plusieurs puits d’aisance et des fosses à purain sont vidées par des ouvriers communaux. Recherches qui s’avèrent infructueuses ; néanmoins quelques objets sont saisis.

Les gendarmes retourneront à Moulbaix pour y entendre des chasseurs qui parfois dormaient dans « la baraque ». Tous ne feront état d’une housse, sauf Léon Vindal. Ils voudront aussi entendre le curé, mais celui-ci était parti depuis quelques jours avec les enfants de la Marquise à Bruxelles.








Le Marquis, dans une déposition du 9 août 1889, fait état d’une housse en gros coton.

Dans cette déposition, il refait aussi état d’un ancien précepteur « l’abbé Guy » qui menaçait régulièrement par écrit la Marquise. Une rente de 1200 francs lui avait été allouée pendant trois ans pour ses services auprès du jeune Marquis. Cette rente fut supprimée sur les conseils de Monsieur De Lantsheere (conseil judiciaire).




( Position de la Marquise au moment du tir . Document d’époque.)








(Position présumée du meurtrier. Document d’époque)






« Le temps des corbeaux »








Dans la première décennie du XXe siècle, cette signature anonyme se banalise et on peut se demander dans quelle mesure elle n’est pas prise en compte par les autorités en matière de justice. A Moulbaix, chacun des dossiers de la gendarmerie s’ouvrent, en effet, sur une lettre anonyme de dénonciation au juge d’instruction. Truffées de fautes d’orthographe, écrites à la hâte sur un carton ou une feuille de réemploi. Moulbaix possède naturellement à l’époque quelques malandrins voulant rester anonymes, mais persuadés d’avoir la clef de l’énigme et l’identité du coupable ! Toutes ces « lettres » furent versées au dossier d’instruction.

La lettre anonyme est le meilleur moyen de déverser sa rancœur contre une personne, un système de vie, une franche nantie de la population…

En cette fin de siècle (1889), la noblesse semble avoir atteint l’apogée de son pouvoir et la population d’un petit village comme Moulbaix, commence à ressentir une sorte de haine vis-à-vis de ces gens de la haute qui, il faut bien le dire, les exploitent. Les paysans travaillent la terre qui appartient à la Marquise, Ils paient un loyer pour ces parcelles et rétribuent une partie de leur récolte.

Monnier, « le taupier » n’était, certes, pas le moins bien rétribué ! Outre son salaire de garde, il était payé pour l’élevage de faisans pour la chasse. Il était logé par la Marquise au château de Villers-Saint-Amand. « La Marquise et le garde en leur château ».

La lettre qui suit est la plus belle, par son graphisme et sa bonne orthographe. Le corbeau insiste sur certains mots et semble bien informé des affaires judiciaires. Il fait allusion à l’affaire Coucke et Goethals En mars 1860, Scholastique Dussart, une dame âgée de 70 ans qui vivait dans une ferme isolée de Couillet (Charleroi) fût agressée par trois individus. Ils avaient le visage barbouillé de charbon. Ils l’attachèrent au lit afin de la faire parler. Elle leur indiqua où se trouvait son argent. Elle fût frappée et décéda des suites d’une gangrène quatre jours plus tard. C’est justement à la suite d’une lettre anonyme que furent arrêtés et inculpés Goethals, Coucke et deux autres complices. Ils parlaient flamand et ne comprenaient que peu le français. Ils furent jugés en français (seule et unique langue de la justice à cette époque) et condamnés à la guillotine, le 16 novembre 1860.

Après l’exécution, plusieurs témoignages remirent en question la culpabilité « des flamands ». L’erreur judiciaire probable remis en question la langue utilisée pour des accusés ne comprenant pas celle-ci ! Plusieurs associations flamandes exploitèrent l’affaire tandis que la presse francophone cristallisa le débat sur la peine de mort.

La lettre reproduite ici se termine par « A llong G ». Le papier est de qualité… « papier ministre ».




(A.E.M)



La seconde lettre est beaucoup moins élégante. Toujours sans fautes et postée sur une simple carte postale. Elle est explicite et le corbeau n’hésite pas à signer partiellement sa missive. Le texte est sans équivoque sur l’idée que se fait l’auteur de la noblesse !


(A.E.M)




(A.E.M)


La suivante est plus directe ….








(A.E.M)



Plus incisive pour la population de Moulbaix et accusant notre petit curé de faux témoignages !

Ce corbeau semble bien renseigné sur la mauvaise habitude du Marquis à contracter des dettes. Il revient aussi sur les chiens qui n’ont pas aboyé lors du crime ! Il est vrai qu’à ce stade de l’enquête, ce fait ne semble pas perturber les enquêteurs.




(A.E.M)





(A.E.M)



Au vu des lettres et de leur contenu, le procès serait à ce stade déjà terminé. Le coupable semble désigné et son mobile évident !




(A.E.M)



(A.E.M)


« Le curé accablant »





(Collection G.M.)




Le 12 septembre 1889, Adelin Vandenberghe, curé de Moulbaix est entendu par le juge Spronck. A la lecture de sa déposition, on peut se demander s’il n’aurait pas trahi le secret de la confession si on lui avait demandé !

En effet, ses propos ont figure d’accusation …

Pour lui il n’y a qu’un seul coupable possible et c’est Monnier. Juste après le coup de feu, Adelin a tout de suite vérifié le parcours qu’aurait pu faire l’assassin. Les mailles d’un treillis abimé, les haies piétinées…

Pour le curé, le jour du crime, Monnier avait « la physionomie d’un homme qui a fait un mauvais coup ».

Pour Adelin, la messe est dite !

Ce curé était né dans le village de Pottes le 5 octobre 1847. Il sera ordonné prêtre en 1871. Il sera vicaire à Flobecq, Quaregnon, et Pottes. Curé à Autreppe et Roisin, et finalement curé de Moulbaix en 1883. Il y décède le 18 septembre 1903.

A la mort de la Marquise, il vivra quelques temps encore avec le Marquis, à la cure ; le château étant toujours en restauration. A l’époque, on parle d’un délai de deux mois pour qu’une partie du château soit habitable pour accueillir la jeune Marquise.



(Collection G.M.)





Mais cette cohabitation sera de courte durée. En effet il est décidé d’acheter une maison pour en faire une nouvelle cure pour la somme de 16.500 francs à Monsieur Mouligneau. Cette maison toujours existante aujourd’hui est bâtie sur une superficie de 10 ares, avec pour l’époque, toutes les commodités utiles à un curé !

Quant à l’ancienne cure, lieu du crime, elle sera modifiée pour y construire une chapelle. Les plans seront confiés à l’architecte Limbourg. On utilisera, pas moins de 250.000 briques à cet effet.







100 ans plus tard, voilà ce qui restera de ce projet …. Le cœur de la chapelle en ruine et la cure délabrée. Selon les dires d’un riverain, le Maître hôtel de la chapelle en marbre était de toute beauté.

Cette chapelle, expiatoire au crime de Moulbaix, tomba en ruine probablement après le départ des religieuses.

Un autre curé interviendra dans l’enquête : l’Abbé Brasseur Emile de la compagnie de Jésus à Charleroi. C’était en fait le confesseur de la famille du Chasteler, depuis des années. Celui-ci se montrera plus réservé dans ses propos et restera plus discret dans ses appréciations. Le secret de la confession reste pour lui primordial. Il expliquera que la nuit suivant le crime, il a veillé la Marquise avec son fils qui, plusieurs fois, embrassera le cadavre de sa mère.

Ce prêtre était sans doute le meilleur témoin de l’ambiance de la Maison du Chasteler …



(Les ruines de la chapelle de l’architecte Limbourg)




(La cure où mourut l’Abbé Adelin)





Nous sommes en novembre 1889 et « l’instruction » touche à sa fin. Quelques centaines de pages (400) se résumant à peu de chose. Une cabane dans le parc du château qui ne livrera aucun de ses secrets ! Un fusil, une cartouche qui ne parleront pas. Une housse de fusil que l’on ne retrouvera jamais. Des témoins, vrai ou faux, qui se contrediront. Un curé et un médecin unis dans la douleur de la perte de leur bienfaitrice. Un garde-chasse et sa famille qui se demandent ce qui leur arrive. Un garde-barrière qui regrettera longtemps ses propos. Une Marquise et un Marquis qui finalement ne seront que très peu interrogés ! Bref des personnages qui joueraient très bien dans une pièce de théâtre ... Un vaudeville !


Il y eu le temps des corbeaux et leurs lettres anonymes ; arrive maintenant le temps des certificats médicaux qui fleurissent bizarrement en hiver ! Probablement tous atteints d’une grippe judiciaire, personne n’y échappera ; même la jeune Marquise restera au lit sous le certificat du bon docteur Sierro !

Les dernières formalités administratives, en vue du procès, sont effectuées par les divers magistrats.

Monnier, quant à lui, reçoit une première note des frais d’instruction qu’il devra payer s’il est déclaré coupable. Et la note est salée … 1939,03 francs ! Ces frais se répartissent entre témoins, médecins, experts, frais postaux, mandats d’arrêt et écrou, transport des magistrats (396 francs), télégrammes etc…

Un inventaire des pièces à conviction est dressé :

- Le fusil ayant servi à commettre le crime

- Trois cartouches trouvées dans la baraque

- La douille trouvée dans le canon gauche et plombs retrouvés dans la bibliothèque

- Cartouches saisies chez le garde Monnier

- Douilles tirées lors de l’expertise

- Un horaire de train transpercé d’une balle lors du crime

- Le corsage que la Marquise portait …

- Une boîte d’allumettes provenant de la baraque

- Une allumette brulée

- Les pantoufles en caoutchouc de Monnier

- Six autres cartouches trouvées chez Monnier

- La serrure de la baraque


Le 14 novembre, la cour d’appel de Bruxelles et la chambre des mises en accusation confirment l’ordonnance de prise de corps et renvoient Monnier devant la cour d’assise de la province de Hainaut.

La liste des témoins à entendre durant le procès s’établit comme suit :

- Spronck Louis, juge d’instruction à Mons

- Legrand Léon, juge d’instruction à Mons

- Dambroise François, maréchal des logis à Ath

- Rochette Jules, brigadier, gendarme à Ath

- Pierrard Jean-Baptiste, gendarme à Ath

- Lugand Théodule, gendarme à Ath

- Deschamps Joseph, docteur en médecine à Mons

- Raulier Edmond, docteur en médecine à Mons

- Delplace Edgard, architecte

- Valeke Achille, arquebusier à Bruxelles (expert)

- Lefrancq François, maître serrurier à Ath

- Chasteler (du), Marquis propriétaire à Bruxelles

- Sierro Pierre, docteur en médecine à Braine-le-Château

- Vandenberghe Adelin, curé à Moulbaix

- Schoolmeesters Barbe, femme de chambre au château

- Moreau Auguste, cabaretier à Moulbaix

- Dugniolle Antoine, échevin à Moulbaix

- Du roy de Blicquy, conseiller à la cour d’appel de Bruxelles

- De Lantsheere Théophile, président de la chambre des représentants de Bruxelles

- Chasteler (du) Marie, Marquise à Braine-le-Château

- Waremme Felix, domestique à Paris

- Michiels Felix, régisseur à Montaigu

- Limbourg Aimable, architecte à Moulbaix

- Tillet Nicolas, ouvrier agricole à Moulbaix

- Tillet Alexandre, tailleur d’habits à Moulbaix

- Brafsart Louis, marchand de fruits à Moulbaix

- Scoriel Albert, marchand de fruits à Moulbaix

- Brocquet Vital, maçon à Moulbaix

- Cambier Rosalie, ménagère à Mx

- Brafsart Julia, ménagère à Mx

- Vivier Léopold, journalier à Mx

- Tillet Clotilde, tailleuse à Mx

- Glorieux Alphonse, cultivateur à Villers-Notre-Dame

- Rivelle désiré, domestique à Paris

- Dugauquier Augustine, servante à Mx

- Brunelle Rosalie, ménagère à Mx

- Cambron Julia, cabaretière à Mx

- Norbant Adèle, ménagère à Mx

- Barbet Ferdinant, marchand de chevaux à Ligne

- D’ursel Aymard, propriètaire à Braine-le-Château

- Colin Elise, ménagère à Haine-St-Paul (Jolimont)

- Lottin Emile, gendarme à La Louvière

- Lottin Jean-Baptiste, garde particulier à Braine-le-Château

- Scops Jean Baptiste, garde particulier à Villers-Saint-Amand

- Moreau Emile, ouvrier à Mx

- Vindal Léon, maître cordonnier à Ligne

- Vanhaudenaerde Emile, chef garde à Ath

- Douillez Euphrasie, ménagère à Mx

- Bachy Joséphine, couturière à Mx

- Strebelle Zoé, couturière à Mx

- Froment Clémence, couturière à Mx

- Leblois Louise, servante à Mx

- Leclercq Edouard, Bourgmestre à Irchonwelz

- Delrivière scolastique, cabaretière à Irchonwelz

- Rivière Adonie, cultivatrice à Ligne

- Rivière Couronné conseiller communal et cultivateur à Villers-Saint-Amand

- Dane Léonie, cabaretière à Ligne

- Cambron Claudomir, menuisier à Mx

- Roch antoinette polisseuse à Irchonwelz

- Dutilleux Francois, échevin à Villers-Saint Amand







« Un avocat en or »






Voici l’avocat de Monnier : Adolphe, Paul, Victor Englebienne. Il fut un ténor du Barreau de Mons !

Comment est-il devenu l’avocat du « taupier « ?


La Révolution française marqua un tournant au niveau des principes de l'assistance judiciaire : la gratuité de la justice était consacrée.

Le décret du 1-24 août 1790 créa des bureaux de conciliation pour examiner les affaires des pauvres, leur prodiguer des conseils et défendre leurs causes.

Au moment de réglementer l'exercice de la profession d'avocat, Napoléon institua au sein même des structures du barreau, les bureaux de consultation gratuite qu'il substitua aux conférences de charité héritées du Moyen-âge.

L'arrêté loi du 21 mars 1815 étendit aux provinces belges, le système d'assistance judiciaire déjà en vigueur dans les provinces hollandaises ; il organisa un lien entre la procédure en obtention de l'assistance judiciaire et la procédure de désignation d'un avocat par le bureau de consultation gratuite.

Il ne fut pas question pour autant de rémunérer les prestations des avocats, pas plus d'ailleurs que lors des réformes législatives de 1889 et 1929.

La loi belge du 30 juillet 1889 sur l'assistance judiciaire gratuite et la procédure gratuite abrogea les textes hollandais et consacra le lien structurel entre les deux institutions (Ordre des barreaux francophones).


Englebienne vit le jour à Courcelles le 7 mai 1844. Son père était docteur en médecine et originaire de Souvret. Sa mère, Thérèse, Ambroisine Debauque était native d’Houdeng (La Louvière). En 1865 il épouse Marie, Adèle Daminet de Ghysenghien. En 1855 il termine ses études primaires au Collège de Bonne-Espèrance à Binche ; la famille est catholique. En 1861 il est reçu au concours de rhétorique à Namur. 1863, philosophie et lettres à l ’ U.C.L. En 1870 il s’inscrit au barreau de Mons ; il y achète une maison à la rue des Compagnons en 1883. En 1886, il est nommé Chevalier de l’Ordre de Léopold ; cinq ans plus tard il est élu bâtonnier de l’ordre des avocats de Mons.

Il sera également Juge de paix du canton de Mons, il siégera au conseil d’administration des charbonnages de Bois-du-Luc (La Louvière), sera président du conseil de fabrique de Sainte-Waudru.

Durant sa carrière près de la moitié de ses plaidoiries se termineront par un acquittement !

C’est donc « la crème de la crème » qui va défendre Oscar durant son procès.

Pour l’anecdote, Englebienne sera même provoqué en duel par le peintre Félicien Rops.

Lorsqu’il deviendra juge de paix, ses opposants politiques libéraux seront curieusement ravis !









Le crime de Moulbaix fut sa dernière affaire ; il y était assisté par l’avocat Alphonse Harmignies. Avocat au barreau de Mons et bâtonnier par la suite. Député catholique de l’arrondissement de Mons, il sera par la suite ministre des Arts et des sciences.



















C’est le 6 février 1890 que commence à Mons le procès d’Oscar Monnier dit « le taupier ». Celui qu’un journaliste de l’époque surnommera « le héros de la dramatique affaire ». La première audience débute à 10 heures. Il faisait froid ce jour-là ; l’hiver faisait sa dernière offensive.

Ce procès va être un feuilleton de presse qui va passionner le plus grand nombre ! La cour est composée du conseiller De Roissart (président), Lurquin et Dolez accesseurs et Borman, conseiller du Roi. Pour la défense messieurs Englebienne et Harmignies.

On procède à la nomination des membres du jury et l’appel des 110 témoins !

Le procureur du Roi déclare que les résumés de l’acte d’accusation par la presse sont tronqués et obscurs, déformés en quelques sortes. Melle Marie de Chasteler (fille de la défunte Marquise) ne répond pas à l’appel ; un certificat médical justifie son absence. Certificat du bon docteur Sierro, toujours présent pour rendre service !



Marquise Marie-Caroline du Chasteler photographiée devant le château (assise). Cette photo fut prise entre 1914 et 1918 ; le drapeau de la croix rouge flotte sur la tour avant droite du château. Elle devait avoir à l’époque presque 60 ans.

Marie-Caroline photographiée ici avant le meurtre de sa mère.




Marie-Caroline ne fut pas la seule à se faire « porter pâle ». On pourrait facilement faire un cadastre des esculapes de la région ! Les planches à certificats furent sollicitées dans tous les villages.

Pour la jeune Marquise, en plus du certificat, quelques lettres d’appui de la noblesse vinrent corroborer le diagnostic du Dr Sierro !




La salle d’audience est comble ; les curieux sont venus en grand nombre. Nombre de témoins sont donc absents par suite de « maladie ». Un journaliste ironie en parlant de l’influenza !

Vient l’interrogatoire de Monnier ; les premières questions sont axées sur les revenus du taupier, sur ses gages par faisant élevés. L’accusé parle des paiements qui lui étaient faits par le marquis au début mais que la marquise avait dû reprendre pour des retards répétitifs. Bref, le marquis semblait être un mauvais payeur !

Vient ensuite l’hypothèse d’un renvoi éventuel de Monnier par la marquise. Le président demande si la chose était « dans l’air » ? Non ! répond l’accusé. Monnier s’était rendu à Bruxelles pour voir le marquis à propos de ses gages.

Les questions porteront ensuite sur la fameuse « baraque » où se trouvait le fusil ….

Le président lui pose la question : « êtes- vous étranger à ce crime ? «, « oui monsieur le Président, je n’y connais absolument rien ! « .

Pour ce qui est des cartouches, Monnier dira qu’elles servaient au docteur Sierro.

On lui demande ensuite quel intérêt avait le meurtrier à se servir de son fusil ? Après quelques hésitations, il répond que c’était sans doute pour donner une fausse piste aux enquêteurs.

Le président de répondre : « Dans votre hypothèse, il faut donc qu’i y ait eu quelqu’un qui en voulait autant et plus à la marquise qu’à vous ! ».

Cette appréciation du président donnera sans doute une réponse à « l’accusé tout trouvé » !

Cette première audience se terminera par une remarque du juge d’instruction sur le fait que la marquise avait insisté auprès de son fils pour qu’il ouvrit la fenêtre quelques instants avant le coup fatal !

A l’audience du lendemain (7 février), Maître Englebienne revient sur la présence des deux chiens dans la bibliothèque, lors du crime. Selon le curé, ils aboyaient facilement ! Mais ce soir- là, ils n’auraient « donnés » … Le marquis, lors de sa première déclaration, mentionna leur présence puis modifia ses propos !

Quant au bourgmestre de Moulbaix, il déclara qu’il croyait Monnier innocent bien qu’il le qualifia de violent.

A la demande de Maître Englebienne, le juge d’instruction raconte le fait suivant :

Le procureur du roi de Mons a reçu, il y a quelques jours, une lettre de marquis du Chasteler. Celle-ci lui avait été envoyée par un certain Williot, étudiant en brasserie à Munich. La lettre contenait cette singulière révélation : Williot se trouvait quelques jours avant le crime dans un compartiment de 3ème classe entre Liège et Verviers. Il entendit deux individus, qui se trouvaient à ses côtés, parler de Moulbaix. L’un d’eux ajouta : « quant à la Marquise, elle sera bientôt salée ». A ce moment, dit Williot , les deux personnages se sentant écouté, changèrent de conversation. Williot n’a pas été en mesure de donner un signalement des deux hommes !



Le Maréchal des logis Dambroise vient ensuite à la barre et raconte cette première journée ; c’est lui en premier qui avait fait les premières constatations.

On montre au gendarme le fusil retrouvé sur les lieux du crime et Monnier reconnaît aussi son arme sans hésitations.

Quant à Rochette, brigadier, il fait état de Delrivière, le garde-barrière, qui dit avoir vu passer Monnier qui se dirigeait vers le château vers 21h30.

Rochette fait également mention qu’il n’a pas pu établir l’emploi du temps du Marquis entre 17h et 22 h !

Delplace, architecte, viendra avec ses magnifiques dessins de la scène du crime. Ces dessins sont les seules représentations que j’ai pu trouver dans le dossier ; je pensais pouvoir trouver des photographies… On ne fait pas mention de photographe sur le lieu du crime. Pourtant, à l’époque, un journal a publié à la une, une photo de la bibliothèque ! La qualité de ce document ne permet pas une reproduction valable !

Les deux médecins légistes viendront à la barre pour corroborer leur rapport d’autopsie.

Cette première audience n’apportera que peu de faits nouveaux. Le journaliste de l’époque remarque que les « élégantes » suivent religieusement le procès, avec des jumelles pour bien voir Monnier !

A l’entame du procès, les gendarmes feront une descente à Moulbaix ; un placard a été apposé sur un volet de l’estaminet « Au dragon ». Sur cette affiche, on peut lire « je connais l’assassin. Je l’ai vu ».


Le lendemain, 7 février, le président fait état du caractère violant devant les magistrats qui le questionnent ! Ensuite, on reparle des chiens qui n’ont pas aboyé … On fait remarquer que le Marquis a d’abord dit que les chiens étaient présents dans la pièce, puis il s’est rétracté pour dire l’inverse ! Bref, cette audience n’apportera rien de nouveau !

8 février, un journaliste signale qu’il faut montrer « patte blanche » pour entrer ! La robe pour les avocats et une carte pour le « vulgum pecus » qui se traduit par « commun des mortels ou foule ignorante » ! L’audience s’ouvre à 10 heures. Rochette est de nouveau appelé à la barre, il raconte : « Au moment où je conduisais Monnier à la gare et le mener à Ligne pour le mettre sous les verrous, il a demandé à voir l’instituteur Monsieur Populaire. La foule huait Monnier. Celui-ci s’est retourné vers l’instituteur et lui a dit : « regarde-bien ceux qui crient, ça ne sera pas perdu ». « Et à l’instituteur de répondre : je les ai vus ».

Vient alors l’interrogatoire du Marquis Charles du Chasteler. A son entrée dans le prétoire, il semble ému. Son entrée fait une sensation profonde (sic) … Il décline son identité ; il est âgé de 28 ans. Le jour du crime il n’est pas sorti comme il le faisait d’habitude en allant se promener dans le parc. Ils ont dîné vers 19h30, mais les souvenirs du Marquis sont confus. Vers 23 heures, la détonation retentie ; il faisait noir et brouillard à l’extérieur. D’après lui, la première personne à être entrée dans la pièce était le docteur, suivi peu de temps après par le curé.

Le procureur demande pourquoi le volet était-il encore ouvert à cette heure tardive ? « Ma mère m’a demandé de les ouvrir ». Pourtant, l’habitude était que le domestique Waremme ferma les volets vers 22 h ! Quant au fusil, il ne sera retrouvé que vers 3 heures du matin.


Quand le fusil est découvert, le Marquis demande de ne rien dire en attendant la justice. Mais le docteur fait d’emblée état de l’appartenance de l’arme à Monnier !

Revient ensuite la présence des chiens dans la pièce ! Aucun n’aboya alors qu’ils avaient l’habitude « de donner facilement » !

On apprendra durant l’interrogatoire que le jeune Marquis ne payait pas régulièrement Monnier et que le taupier devait régulièrement voir la Marquise pour obtenir son dû !

Quant au fusil, la dernière fois que le Marquis l’a utilisé c’est pour tirer un brochet qui a été offert à monsieur le curé ! Drôle de façon de pêcher ….

Le dernier témoin de ce jour sera le docteur Sierro ; il était le médecin de la Marquise depuis 1887. Il n’apportera que peu d’éléments nouveaux. La Marquise avait reçu son confesseur, le père Brasseur, la veille de son décès.

Maître Englebienne terminera l’audience en demandant au docteur s’il pouvait envisager d’entendre la jeune Marquise. La réponse sera catégorique : « la Marquise est dans un état de faiblesse qui compromet son déplacement au tribunal ».


A l’audience du 10 février on entend Madame Schoulmesteers ; elle a été femme de chambre de la Marquise pendant 30 ans. Elle s’exprime dans un langage moitié français, moitié flamand. Elle raconte que la marquise avait pour habitude de se coucher tard, surtout quand son fils était là. Le soir du crime, elle a entendu un coup de fusil et le marquis qui criait « ma mère, ma mère » ! Elle est descendue et a trouvé la marquise étendue sur son fauteuil, avec du sang lui sortant du nez et de la bouche !

Monsieur le procureur là questionne :

La marquise recevait-elle des lettres anonymes ?

Oui ! Et elle me demandait de les jeter dans le bac à charbon en me disant qu’il s’agissait de calomnies. Les gens étaient jaloux des aumônes que faisait la Marquise. Elle me disait qu’il fallait rendre le bien pour le mal.

Le chien de la marquise était-il présent ce soir-là ?

Oui, je l’ai vu sur ses genoux.


Cela ne vous a pas étonné de ne pas entendre celui-ci aboyer ?

Non, après le crime, le chien s’est sauvé dans ma chambre. Le chien du marquis était là aussi et il sautait autour du marquis. A la question de savoir s’il aboyait, la servante répondit « non, il ne disait rien » … RIRES DANS L’ASSEMBLEE ….


Vient ensuite l’interrogatoire de Waremme, domestique du marquis.

Que pouvez-vous nous dire sur le soir du crime ?


Comme à mon habitude, je suis allé fermer les volets, en accrochant les contrevents. Il était 22 heures et j’ai pris congé pour rentrer chez moi. En partant, j’ai vu qu’on avait rouvert les contrevents que j’avais fermés !

Aviez-vous déjà constaté l’ouverture des volets après votre départ ?

Non jamais !


L’architecte Limbourg qui s’occupe de la reconstruction du château (incendie) est aussi entendu ;

Sur les 130 ouvriers, à la reconstruction, il n’en a renvoyé que 2. Il n’a jamais soupçonné ses ouvriers et ne connaissait pas l’existence de la baraque.

S’ensuivent plusieurs villageois qui n’apportent qu’un portrait négatif de Monnier. Un Monnier violent et menaçant.


Dans les jours suivant, un correspondant de presse écrit dans le journal que plusieurs affiches ont été placardées sur les arbres et sur quelques habitations. Toutes ces affiches contiennent des accusations très graves, au sujet du fils de la marquise !



Alors que beaucoup attendaient l’épilogue du drame de Moulbaix, un coup de théâtre se produisit ! Le témoin Delrivière fut arrêté …

Le journaliste du 13 février 1890 (la Libre) parle d’un coup de théâtre, le garde-barrière Delrivière maintien sa déclaration d’avoir vu Monnier le soir du crime ; mais les autres témoins ont des propos contradictoires. En quelques sortes, Delrivière a menti !

Maître Englebienne prend la parole pour dire que tout cela a assez duré. Monnier est en prison depuis 8 mois déjà. Il proteste contre « cette façon de faire » ; les jurés ont pu se rendre compte des faits ! La cour se retire à nouveau pour délibérer et décide qu’il y a lieu d’ajourner la cause pour supplément d’instruction. Dans le public, on commente l’incident qui vient de se passer. L’épouse de Monnier, qui se trouve dans l’auditoire, sort en sanglotant. Et l’accusé, dans la salle des détenus, pleure abondamment. Ce soir-là, Delrivière dormira à la prison de Mons !

Un autre journal décrira la scène d’une autre façon ! Nous dirons plus théâtrale …

« Monnier est blême. Delrivierre que les gendarmes emmènent, s’écrie avec énergie qu’il n’a pas menti et qu’il est innocent. Il pleure. « On me persécute depuis six mois, sanglote-t-il, parce que je dis la vérité ». Les femmes Strebel, Leblois et Froment (qui accusent le garde-barrière d’avoir menti) paraissent jubiler. Ces paroissiennes de Moulbaix font mauvaise impression, sur le public.

Tandis qu’on emmène Monier, sa femme qui espérait le voir bientôt libre, jette des cris déchirants. On emmène la pauvre dans un café voisin du palais de justice, où des soins lui sont donnés ; car la malheureuse a des attaques de nerfs (sic). Entre ces attaques, elle proclame énergiquement l’innocence de son mari. De son côté, Monier était dans un profond désespoir en regagnant la voiture cellulaire ; « il pleurait de rage », a dit un gendarme.





Camille Rivière est un homme de 35 ans, de taille moyenne, aux allures assez lourdes. Les cheveux et la moustache coupés en brosse, d’épais sourcils se rejoignant lui donnant un aspect rébarbatif. Néanmoins, les témoins de l’époque trouvent qu’il dégage un air d’honnêteté ! Il paraît craintif et embarrassé. Bref, trop beau pour être honnête ! L’avocat de Delrivière est Maître Broquet de Tournai.

Il est vrai qu’à ce stade du procès, on peut se poser quelques questions que Maître Englebienne a dû lui-même se poser !

- Qui a rouvert les volets qui avaient été fermés par Waremme ? Certainement pas la marquise ! Soit, elle a demandé à son fils de le faire, soit, il l’a fait de son plein gré … Elle a pourtant laissé faire son valet, quelques minutes auparavant.

- Après la déflagration, la femme de chambre, lorsqu’elle est entrée dans la pièce, a vu le chien du marquis sauter autour de lui ! Comme le fait un chien qui revoit son maître… Le marquis aurait bien pu sortir de la pièce quelques instants lorsqu’il a vu le tireur arriver ? N’oublions pas que le marquis faisait face à la fenêtre ! Comment n’a-t-il pas pu reconnaître le tireur ?

- Quant à Delrivière, le garde-barrière, pourquoi a-t-il inventé ce témoignage qui ne tient pas la route ! Une vengeance vis-à-vis de Monnier ou quelqu’un lui a-t-il intimé de faire incriminer un coupable sur mesure ?


Voilà donc que l’on se retrouve avec deux inculpés et deux procès !


Le 28 mars, un journaliste critique ouvertement la justice de notre pays ; on avait annoncé que la fille de la marquise viendrait témoigner. Or, cette demoiselle ne viendra pas. Depuis l’arrestation du garde Monnier, celle-ci est malade ! « Un quidam serait condamné pour refus de témoignage », souligne ce rapporteur.

Lors du procès, des dessins ont été utilisés pour montrer aux jurés, juges et avocats la configuration des lieux. Des photos ont été prises mais aucune n’a été versée au dossier. Néanmoins de magnifiques dessins relatent les faits. Ils ont été réalisés par l’ingénieur architecte Delplace.

Voici une photographie (rare) publiée dans la presse de l’époque.










Voici les dessins de Mr Delplace qui, malgré leur aspect enfantin, montrent très bien la configuration des lieux. Dessins précurseurs de notre bande dessinée …














« La voix du ministère public… »







Pour le Procureur du Roi, la messe est dite ! Monnier coupable…

Il constate que ce crime a causé dans le pays une consternation générale. « LA JUSTICE TIENT LE COUPABLE » clame l’homme de loi. Il se tourne vers Monnier pour lui signifier qu’il ne s’en sortira pas ! « S’il vous reste quelques sentiments de loyauté, descendez au fond de votre conscience et avouez »

L’organe du ministère fait l’éloge du caractère de la Marquise du Chasteler, nature supérieure, femme d’élite, faisant la charité à tous les pauvres. Contre ses locataires, jamais elle n’a exercé de poursuites. Ses enfants, elle les chérissait d’un amour égal. Le Marquis avait avantagé son fils, mais elle rétablit l’équilibre dès 1877, en testant sa fille, considérant que le droit d’ainesse est contraire au droit naturel. Le procureur explique ensuite les habitudes de la Marquise pendant son séjour à la cure. Vers 9 h du soir, elle s’enfermait dans sa chambre avec le docteur Sierro . Sauf quand le Marquis était présent. Les fenêtres étaient ouvertes pour chasser la fumée du cigare que la Marquise ne supportait pas.

Le procureur se lance alors dans un texte digne d’un scénario d’une pièce de théâtre dramatique.

Vers 11 h, le temps était calme, pas une feuille ne bougeait. Tout à coup, une formidable détonation retentit, la Marquise tombe renversée sur son fauteuil, atteinte de 18 ballettes. Son fils se précipite vers elle en s’écriant : « Mère, mère qu’as-tu ? » . Celle-ci ne sait lui répondre. Alors, fou de douleur, il s’élance vers l’escalier en criant : « au secours ! au secours ! » Tout le monde est en émoi, on ne sait où donner de la tête. Et l’on viendra reprocher au Marquis de ne pas avoir fait immédiatement des recherches pour découvrir l’assassin ! Mais vous ne songez donc pas à l’immense douleur que doit ressentir un fils en de pareilles circonstances, et qui vous empêche de songer à quoi que ce soit !

Monnier est prévenu du crime horrible qui vient d’être commis. Que fait-il ? Au lieu de se rendre aussitôt à la cure, il va soigner ses faisans. Mais le voilà à la cure. On a retrouvé l’arme du crime. On lui demande s’il reconnait le fusil et il répond par l’affirmative.




La suite du réquisitoire du procureur n’est qu’un résumé des comptes rendu de la gendarmerie. Maître Boreman terminera en affirmant que seul Monnier connaissait la cabane où se trouvait le fusil ! (Pourtant, le Marquis, le curé et le docteur la connaissaient)

Le caractère violant de Monnier ne fera que nuire une fois de plus à son innocence présumée.

Pour ce qui est du mobile du crime, le procureur mettra en avant l’intention de la Marquise de réduire le salaire du taupier !

« Il y a un courant d’opinion en faveur de Monnier, mais le jury ne se laissera pas influencer par les bruits du dehors » Voici les derniers mots de Boreman.




Le bout du tunnel pour le taupier…


Beaucoup l’attendaient avec impatience, d’autres la redoutaient tandis que d’autres comme l’épouse de Monnier n’y croyait plus ! Je veux parler ici de la plaidoirie de Maître Englebienne dont on dira que ce fut sa plus belle affaire.

Voici ses propos qui firent suite au réquisitoire de l’avocat général De Borman ; réquisitoire qui eut un effet soporifique sur l’assistance. Certaines personnes étaient tombées endormies et ronflaient !





« Il y a 20 ans que j’ai l’honneur de porter la robe. De ces années, j’en ai consacré le quart au moins à défendre le droit devant votre haute juridiction. De tous les triomphes que j’ai remportés sur ce champ de bataille judiciaire, ceux qui m’ont été le plus sensibles, ceux dont je m’enorgueillis le plus, ce sont ceux remportés sans coup férir : quand le ministère public, vaincu par l’évidence, abandonnait son accusation. (L’expression vient du sens du verbe "férir". Celui-ci est d'origine latine signifiant "frapper". On retrace cette maxime dès le Xe siècle où elle signifiait "sans frapper" et donc, par extension "sans se battre").


Mais aujourd’hui, j’ai perdu la foi. J’espérais un instant voire l’organe du ministère public proclamer l’innocence de l’accusé et je croyais que celui-ci sortirait de la Cour d’assise sans avoir besoin du concours de ma faible parole. Et vous, mon excellent collaborateur, Maître Harmignies, vous que j’admire et honore encore plus depuis hier, quand je vous ai entendu prononcer votre admirable plaidoirie, vous qui avez été en cette cause le confident de mes pensées, vous savez que je nourrissais l’espoir de voir réhabiliter notre pauvre Monnier par la parole même du Ministère public.

Je reprendrai tous les faits de la cause et vous démontrerai qu’il n’y a rien, absolument rien, pas la moindre charge contre l’accusé. Certes Monnier a été condamné dans « l’affaire Courtoy » à 50 francs d’amende. Mais cette condamnation, il l’a encourue injustement par le fait de toute une légion de faux témoins dont le néfaste village de Moulbaix est infesté !

Vous avez entendu les bourgmestres de diverses communes environnantes de Moulbaix ; ils vous ont criés : « Monnier est innocent, c’est une victime » et ces magistrats au sortir du cabinet de M. le juge d’instruction où ils s’étaient rendus, se sont rendu à la prison de Mons pour consoler Monnier et lui porter le témoignage de leur estime.

Un jour j’ai demandé pardon à Monnier ! En effet, j’ai douté de son innocence… Je m’étais rendu chez monsieur le juge d’instruction pour connaître les charges contre Monnier, car vous savez que les conseils de l’accusé n’ont pas le droit de connaître le dossier, M. le juge d’instruction me répondit : « je me rendrai à la prison et je ferai subir à l’accusé un dernier interrogatoire dans lequel je résumerai les charges existantes contre lui, il pourra vous les répéter. Nous fûmes prompts à aller trouver Monnier, après son interrogatoire, nous lui dîmes : Répétez-nous les charges qui existent contre vous ; il nous fit une relation exacte de son interrogatoire avec M. le juge d’instruction ; mais nous lui fîmes remarquer qu’il nous cachait quelque chose, qu’il devait y avoir d’autres charges qu’il voulait nous cacher quelque chose, et nous quittâmes sa cellule. Et bien non ! Monnier ne nous mentait pas ! Quand nous avons pu lire l’acte d’accusation, nous nous aperçûmes qu’il n’existait aucune charge contre Monnier. Vous devez vous douter combien cet homme a dû souffrir de se voir presque abandonné par ses défenseurs, et combien, et combien a été douloureuse pour nous l’entrevue dans laquelle nous lui avons demandé pardon d’avoir douté de sa parole.

Pour ce qui est du témoignage du brigadier Rochette qui pense que Monnier est coupable parce qu’il n’est arrivé à la cure le lendemain matin à 7 heures, c’est mince comme preuve !

Je cherche en vain le mobile qui aurait poussé Monnier à commettre cet acte épouvantable.

Il recevait 850 francs de la Marquise, 150 du Marquis. L’élevage des faisans avait été supprimé à Moulbaix, mais Monnier continuait pour Mr le Comte de Rouillé à Ormeignies. Il n’y a donc aucune raison à tuer ceux qui le faisaient bien vivre…

Monsieur le Procureur, vous me dites que c’est l’arme de Monnier qui a servi ! Ce n’est pas vrai ! Tout le monde se servait de ce fusil : le curé, le docteur, le chanoine…

Une accusation sans mobile est une accusation mort-née !


Monsieur le procureur, vous n’avez pas confronté l’assassin présumé avec la victime ? Pourquoi ?

Paracerque Monnier lui-même est venu et vous voudriez prétendre qu’un homme, sans y être astreint, vienne contempler pendant 15 minutes sa victime ! Non, ne dites pas cela, ne calomniez pas l’humanité. «



Maître Englebienne, avec l’éloquence qu’on lui connaît, détruit en ces mots de fond en comble les arguments du Ministère public !




Oscar enfin libre …





Les jurés acquittent oscar. Le pauvre est enfin libre et peut à nouveau prendre ses enfants et sa femme dans ses bras.

C’est après cinq minutes de délibération que le jury déclare Monnier innocent. Cependant il a été privé de liberté pendant un an ! Et en Belgique aucune loi ne lui permettait de demander dédommagement au préjudice qu’il avait subi injustement !


« Son acquittement, si absolu qu’il soit, n’est en somme qu’une platonique ironie de la société qui lui dit : Pendant neuf mois, je me suis ingénié à démontrer que vous êtes un assassin. J’ai recherché vos antécédents pour y trouver les marques d’une perversité profonde, et j’ai chargé « l’honorable organe de la loi » mon mandataire, d’affirmer que le penne de la serrure de votre baraque, une allumette à moitié consumée, vos sandales de caoutchouc et votre réputation de garde-chasse intransigeant étaient le signe de votre évidente culpabilité ; je m’aperçois qu’en somme cela n’est pas suffisant et je veux bien reconnaître que je me suis trompée ; vous pouvez donc retourner chez vous avec l’assurance de la gratitude de la magistrature. Le procès Monnier n’est-il pas une preuve de la regrettable conviction que se font les « organes du ministère public », qu’ils doivent requérir contre tout accusé, qu’il ne leur est permis de voir ce qui l’accable et de laisse dans l’ombre ce qui l’innocente ? Certes, le Ministère Public a des intérêts contraires à ceux de la défense, mais il ne lui est pas défendu d’être loyal et de reconnaître vrai ce que tous les gens sensés reconnaissent tel, et qu’il reconnaîtrait lui-même en dehors du prétoire. La société est obligée de protester, quand, en son nom, son mandataire affiche une intransigeance inexplicable. Et les acquittements à l’unanimité comme celui de Monnier, ressemblent malheureusement à un soufflet appliqué sur la face du Ministère Public et du parquet, comme pour leur dire : il n’est pas permis de se tromper à ce point. » (Les erreurs judiciaires, presse de l’époque).


Le dédommagement du préjudice pose un problème dans les cas d’éventuels acquittements de personnes finalement coupables ! La justice préfère parfois acquitter un coupable plutôt que de condamner un innocent lorsque les preuves n’existent pas.

Difficile d’évaluer le préjudice d’oscar Monnier ; une année de salaire, le manque à gagner de son élevage de faisans et surtout l’impossibilité de subvenir aux besoins journaliers de sa famille !

Durant cette année d’absence au foyer son épouse a dû subir les quolibets d’une population qui avait déjà condamné le taupier avant son procès. Les moqueries pour leurs enfants qui allaient à l’école du village…





Dans les premiers jours de sa libération il se rend à Mons pour remercier ses avocats qui l’on brillamment défendu. Maîtres Englebienne et Harmignies ont défendu Monnier gratuitement et de plus, ils ont pris en charge tous les frais du procès !

A sa sortie oscar reçoit plus de 300 cartes de félicitations, dont certaines provenant de certains jurés. Il reçut même des fleurs dont un bouquet offert par le barreau de Liège ! Il recevra aussi la visite d’une quinzaine de prêtres qui étaient conduits par le curé d’Aubechies.

Le taupier ne put néanmoins retenir ses envies de vengeance. A peine sorti, il lui prit l’envie de donner une bonne raclée à certains qui l’avaient accusé lors du procès. Et pour cette raison il reprit le chemin du tribunal ; et cette fois accompagné de son épouse. Ils écopèrent pour ces faits d’une condamnation pour coups et blessures et injures. Ils furent condamnés à 36 francs d’amende.

La Marquise, dans un geste de « bonté » proposa à Monnier de reprendre sa place au château en tant que garde-chasse ; mais les envies d’en découdre avec ses accusateurs mirent fin à ce projet.

Monnier et sa famille prirent donc le chemin de la région du centre. Le domaine de Mariemont (Morlanwelz) fut sa nouvelle résidence ! Vaste domaine (bien plus grand que Moulbaix ) et propriété de la famille Warocqué ; riches industriels de la région du centre. Comment sont-ils arrivés là ?

Est-ce les héritiers de la marquise par leurs relations et ce pour éloigner cet électron libre qu’était oscar ? Ou les avocats d’oscar qui comptaient Warocquier parmi leur cercle de relations ? Tout est possible. On ne retrouve que peu de traces des Monnier dans la région du centre par la suite.






Mariemont était à l’époque un vaste domaine ; les Warocqué sont riches, très riches. Le château possède déjà un ascenseur ! Les serviteurs de maison sont une cinquantaine dont six cuisinières.

Dans ce domaine, Monnier s’occupera des canards, flamands roses, oies, gazelles, kangourous, cigognes,grues,paons,lamas,autruches,cygnes et chevreuils… C’est autre chose que les faisans de Moulbaix.

Pourtant à Mariemont la consommation de faisans est astronomique au vu des banquets offerts par les maîtres des lieux ! Il en va de même pour les saumons et tous les produits de bouche luxueux. Au château, rien n’est trop beau pour paraître ! Monnier devra s’occuper des parties de chasse sur un domaine de plus de 1000 hectares !

J’ai personnellement côtoyé dans mes patients des personnes qui avaient travaillés en tant que domestiques à Mariemont. Selon leurs dires, il n’était pas rare que des bouteilles de vin et de champagne retournent presque pleines à la cuisine. Le personnel n’en voulait même plus et tout partait à l’égout.








C’est dans ce havre de paix pour la famille Monnier que va de nouveau se produire un drame ! Un des enfants Oscar est mordu par un chien enragé. L’enfant malade est envoyé à l’institut pasteur à Paris.


(Pasteur)



Preuve encore que Monnier pût encore compter sur ses nouveaux patrons ou bienfaiteurs. Envoyer un enfant malade à Paris n’était pas à l’époque à la portée de la bourse d’un garde-chasse.




Mais, le coupable court toujours et la justice prend au sérieux les déclarations d’un journaliste bruxellois « H » qui publie des articles pour le journal « l’hôtel de ville ». Ce « H » serait aussi agent de renseignement. Il désigne un proche de la marquise comme l’auteur du crime. Cet « accusé » assigne immédiatement cet « agent secret » devant la 5ème chambre du tribunal civil. Il ne se présentera pas à l’audience et sera condamné par défaut à 10.000 francs d’amende et à des parutions du jugement dans son journal et d’autres journaux au choix du demandeur. Le non-paiement entrainerait une année de prison ! Il va sans dire que ce personnage devait être important ou tout au moins bien protégé ! Epilogue…


Nous voilà donc arrivés au terme de cette « affaire de Moulbaix ». Drame qui maintenu en haleine la population pendant 9 mois ; temps de gestation chez l’être humain qui dans ce cas ne provoqua que l’accouchement d’une souris ! En effet la justice abandonna la recherche du coupable faute d’éléments probants.

Même si Monnier fut acquitté, sa vie de famille ne serait plus comme avant.

Au château la vie repris ainsi que sa restauration …





Sources : Presse de l'époque.

Archives de l'état.

Marcel Englebienne : "Adolphe Englebienne (1844-1906)" aux éditions "Hainaut culture & démocratie".

Archives personnelles.


























































1 218 vues0 commentaire
bottom of page